La troisième édition de la conférence annuelle sur la santé publique en Afrique (CPHIA 2023) qui s’est tenue fin décembre 2023 a été une occasion pour les experts africains de réfléchir sur les solutions capables d’améliorer l’accès des populations africaines à la vaccination. Les solutions mobiles ont été présentées comme une piste de solution pour tenir à jour le carnet vaccinal et protéger ainsi de nombreux africains. La Côte d’Ivoire explore déjà ces solutions à travers l’application M-Vaccin, fruit d’un partenariat public-privé.
Selon les données de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), chaque année, plus de 30 millions d’enfants africains de moins de cinq ans meurent de maladies évitables par la vaccination (MEV) et plus d’un demi-million meurent en raison d’un accès limité aux services de vaccination.
Cela représente 58 % des décès dus aux maladies évitables par la vaccination dans le monde. Des épidémies récurrentes de maladies évitables par la vaccination persistent également dans de nombreux pays de la région africaine, en particulier dans les zones où la couverture vaccinale est faible.
Dr Jean Kaseya, directeur général du Centre africain de contrôle des maladies (Africa CDC), a déclaré lors du CPHIA 2023 « qu’il était nécessaire d’innover pour offrir des services de vaccination aux enfants ». Pour réduire cette mortalité infantile grâce aux innovations technologiques, la Côte d’Ivoire a décidé d’utiliser les offres de téléphonie mobile associées à des technologies innovantes pour envoyer des alertes aux familles et en particulier aux mères et aux femmes enceintes.
En 2018, l’entreprise Orange Côte d’Ivoire s’est associée à Gavi et au ministère de la Santé de Côte d’Ivoire pour développer l’application M-Vaccin afin de sensibiliser les parents à la vaccination. Selon Mamadou Bamba, Directeur Général d’Orange Côte d’Ivoire « ce projet utilisant la technologie mobile est destiné à sensibiliser à la vaccination les parents d’enfant de 0 à 11 mois et les femmes enceintes grâce à l’envoi gratuit de SMS et de messages vocaux (en français et en langue locale). Il doit permettre une meilleure information des familles ainsi qu’une augmentation de la demande en vaccins dans les districts où les taux de couvertures sont les plus fiables ».
De façon pratique l’application aide les professionnels de santé à collecter des données sur les femmes enceintes et les nouveau-nés. Professeur Traoré Youssouf, spécialiste de santé publique (épidémiologie) et enseignant à l’Université Félix Houphouët Boigny d’Abidjan indique que « cette application est un format de carnet de vaccination numérique qui aide à suivre le calendrier vaccinal et à respecter les rendez-vous grâce au sms envoyés aux souscripteurs ; dans ce cas précis les femmes inscrites par les agents de santé ».
Dans sa première phase de développement financée à hauteur de 3 milliards de F CFA sur une durée de cinq ans dans les 29 districts sanitaires à faible performance vaccinal, les partenaires au projet se sont fixés pour objectif d’atteindre environ 800.000 enfants. Le service est totalement gratuit.
Onyekachi Nwitte-Eze, analyste en politique de santé publique et chargé de programme au ministère fédéral de la santé du Nigeria nous indique « qu’à travers l’Afrique des innovations pareilles sont développées pour faciliter l’accès à la vaccination ». Elle cite entre autres, l’utilisation des drones pour acheminer les vaccins dans des localités reculées, les cartes vaccinales biométriques et surtout l’utilisation des technologies mobiles.
Onyekachi Nwitte-Eze explique que cette dernière technologie « nécessite un travail de sensibilisation des populations et un réel programme de collecte et de protections des données basé sur le consentement des utilisateurs des applications ».
Dans le contexte ivoirien du développement de l’application M-Vaccin, l’entreprise de téléphonie mobile Orange est créditée d’une expertise dans la protection des données personnelles dans le domaine de la santé. L’utilisation de l’application M-Vaccin a ainsi l’avantage de centraliser les données vaccinales à grande échelle, d’alerter les souscripteurs et de réduire le temps de traitement des données contrairement au mécanisme de collecte traditionnelle.
Selon les informations recoupées auprès du Programme Elargi de Vaccination (PEV) et du Ministère Ivoirien de la santé et de l’Hygiène Publique, l’application M-Vaccin permet de réduire de 10 jours le mécanisme de collecte et de traitement des données personnelles.
La téléphonie mobile peut servir à renforcer la chaîne d’accès des populations aux vaccins surtout dans les régions où il existe des déserts médicaux. L’application M-Vaccin, dont la première phase de déploiement sera analysée durant l’année 2024, est un pas important pour la Côte d’Ivoire dans sa politique nationale d’immunisation.
Suy Kahofi
Article produit dans le cadre de la bourse de journalisme sur les infrastructures numériques publiques (IPN) organisée par la Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest et Co-Develop.
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