Mugabe, un autre père des indépendances africaines s’en est allé
La dépouille de l’ancien dirigeant zimbabwéen Robert Mugabe a quitté Singapour mercredi pour Harare. Il est décédé la semaine dernière à l’âge de 95 ans, il était l’un des derniers pères de l’indépendance africaine encore en vie.
« Attendez que nous puissions sortir de cette cellule et nous irons régler le compte à ces bâtards ». Cette phrase de Robert Mugabe, prononcée avant qu’il ne prenne le maquis pour l’indépendance de son pays témoigne la rage avec laquelle il a combattu l’occupant britannique, cette minorité blanche qui s’est octroyé tous les pouvoirs. A 95 ans, il était l’un des derniers ex-chefs d’Etat africains encore en vie qui avait lutté pour l’indépendance de son pays avant de le diriger.
Il ne fut d’ailleurs pas le seul sur cette liste de pères de la Nation qui ont permis à leurs peuples de se libérer – souvent par les armes – de l’occupation coloniale. Sur la liste des pères de la Nation, un seul d’entre eux vit toujours. Il s’agit du Zambien Kenneth Kaunda, âgé aujourd’hui de 95 ans. Il a dirigé son pays de 1964 à 1991 avant de céder le pouvoir après une défaite face aux élections présidentielles.
Les anglophones du cercle
En Afrique de l’ouest anglophone, le Ghana a connu l’époque de l’Osagyefo, le Rédempteur Kwame Nkrumah qui a lutté à la fois pour l’indépendance de la colonie britannique de la Gold Coast et aussi et surtout pour le panafricanisme. Né en 1909, il fut l’un des premiers à prôner la création des Etats-Unis d’Afrique. Premier ministre ghanéen à l’indépendance en 1957, il devient président du Ghana en 1960. Ses détracteurs lui reprochent d’avoir instauré un parti unique fort et un véritable culte de la personnalité. Nkrumah meurt en exil en Roumanie en 1972, après avoir été destitué lors d’un coup d’Etat en 1966.
En Tanzanie, l’homme fort de l’indépendance fut Julius Nyerere, le fondateur du parti indépendantiste TANU (Union nationale africaine du Tanganyika) en 1954. Surnommé « l’Instituteur », il a dirigé la Tanzanie indépendante de 1961 à 1985. Il quitte de lui-même le pouvoir et meurt à Londres en 1999. Kenneth Kaunda de la Zambie) quitte le pouvoir mais après avoir été battu aux élections. Surnommé « le Gandhi africain » pour son militantisme indépendantiste non violent, il devient le premier président de la Zambie indépendante en 1964. Il dirige son pays pendant 27 ans sous le régime d’un parti unique avant d’accepter en 1991 des élections libres, où il est battu.
Kamuzu Banda du Malawi est aussi battu lors d’élection en 1994 après avoir cédé aux pressions internationale l’obligeant à organiser des élections libres après un référendum sur le multipartisme en 1993. En 1966, Hastings Kamuzu Banda – alors Premier ministre – devient premier président du Malawi. Il exerce un pouvoir sans partage pendant trois décennies avant d’être est battu en 1994 lors des premières élections démocratiques. Il meurt en Afrique du Sud trois ans plus tard.
Contrairement à Kamuzu Banda, Jomo Kenyatta (Kenya) n’aura pas le temps d’organiser des élections : il meurt au pouvoir en 1978. L’ancien militant indépendantiste emprisonné plusieurs années, va diriger le Kenya de son indépendance en 1963 jusqu’à sa mort. Une mort tout aussi tragique pour Samora Machel du Mozambique, leader d’Afrique lusophone farouchement engagés contre la présence portugaise comme ses pairs en Angola, en Guinée Bissau et au Cap Vert. Après avoir lutté contre la puissance coloniale portugaise à la tête du Frelimo (mouvement marxiste), il devient en juin 1975 le premier président du Mozambique. Il meurt en octobre 1986 quand son avion s’écrase en Afrique du Sud dans des circonstances non élucidées.
Le cercle des francophones
Le téméraire et intraitable Ahmed Sékou Touré de la Guinée ouvre le bal avec son histoire atypique celle du seul dirigeant nationaliste africain à avoir dit non au référendum sur la communauté franco-africaine. « Il n’y a pas de dignité sans liberté : nous préférons la liberté dans la pauvreté à la richesse dans l’esclavage », a lancé Sékou Touré à la face du général Charles de Gaulle. Il a gouverné d’une main de fer la Guinée depuis son indépendance, en 1958, jusqu’à sa mort, en 1984. Sous son règne, la Guinée maintient de bonnes relations avec plusieurs pays socialistes.
Plus disposé à traiter avec la France, Léopold Sédar Senghor du Sénégal devient le premier président de son pays en 1960. Surnommé le poète-président, il quitte volontairement le pouvoir après vingt ans. Il se retire en France où il meurt en 2001 à 95 ans. Comme d’autres acteurs-clé de la décolonisation en Afrique francophone, Senghor avait participé à la vie politique française, tout en militant pour l’émancipation de son pays.
Un autre ‘collaborateur’ va diriger le plus prospère des Etat francophone d’Afrique de l’ouest jusqu’à sa mort : Félix Houphouët-Boigny de la Côte d’Ivoire. Ancien député et ministre français, Le Vieux comme on l’appelait a dirigé sous le parti unique la Côte d’Ivoire de l’indépendance (1960), jusqu’à sa mort en 1993. Avant sa mort il a eu le mérite d’organiser les premières élections multipartites. Face à lui un opposant : Laurent Gbagbo qui des années plus tard deviendra président à son tour.
SUY Kahofi, Anderson Diédri & Traoré Bakary