La pratique a la peau dure en Côte d’Ivoire. A l’occasion de la célébration de la journée internationale de la lutte contre les mutilations génitales féminines, l’Institut français d’Abidjan a organisé un débat sur ce sujet le 6 février 2018. Bilan, chiffres clés et solutions pour éradiquer les mutilations génitales féminines qui étaient auparavant un sujet tabou.
La sensibilisation sur les mutilations génitales féminines (MGF) en Côte d’ivoire semble ne pas porter de fruits. Les chiffres parlent d’eux même. Le pourcentage des femmes de 15-49 ans excisées par région n’a pas connu de changement durant la décennie passée. Selon les chiffres de l’Institut national de statistique (INS), 36,4% des femmes de cette tranche d’âge étaient excisées en 2006. En 2012, les études ont révélé que ce taux est passé à 38,2%, soit une hausse d’un peu plus de 2%. Avant de s’établir en 2016 à 36,7%, presqu’identique à la situation qui prévalait il y a 10 ans. Cette pratique est répandue sur le territoire ivoirien.
Dans le nord-ouest et l’ouest où cette pratique est la plus répandue, c’est entre 56% à 75,2% des femmes excisées. Dans le sud-ouest et une partie du centre, 37,2% à 56,2 % des femmes sont excisées. Dans le nord-est, l’est et la grande partie du centre du pays, cette pratique touche 18,1% à 37,1% de femmes. Les mutilations génitales consistent en l’altération ou la lésion des organes génitaux de la femme pour des raisons non médicales. En Côte d’Ivoire, la forme la plus courante est l’excision, qui consiste à une ablation partielle ou totale du clitoris et des petites lèvres.
Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’enfance (Unicef), 125 millions de filles et de femmes sont à ce jour victimes de cette pratique dans le monde. Pour lutter contre ce fléau, la Côte d’Ivoire a adopté en 1998 N° 98-757 qui stipule que « quiconque commet une mutilation génitale féminine est puni d’un emprisonnement de 1 à 5 ans et d’une amende allant de 360 000 à 2 000 000 de francs CFA. La peine est portée au double si l’auteur est du corps médical ou paramédical. Le juge peut en outre lui interdire l’exercice de sa profession. La peine d’un emprisonnement de 5 à 20 ans en cas de décès de la victime ».
Malgré ce dispositif qui interdit les mutilations génitales, la situation reste inchangée. Et à ce jour, seulement 12 condamnations ont été prononcées depuis la mise en pratique de cette loi. « On ne poursuit pas les cas de mutilations génitales féminines comme on poursuit un cas de vol, comme on poursuit un cas de meurtre : les choses sont différentes », nuance le magistrat Victorien N’Cho Victorien. Il explique qu’en matière de vol, la victime peut porter plainte ou il y a dénonciation. Alors que dans le cas des mutilations génitales, il n’y a pas de plainte parce que la victime est un enfant, en plus les parents sont complices « et la société trouve que ces choses sont bonnes ». Il propose une stratégie de renseignement et de collecte d’informations au niveau de la police gendarmerie pour être plus efficace dans la lutte.
Quant à Miranda Hamstrong qui représentait le Dr Aboubakar Okompo, représentant résident de l’Unicef, et Argentina Matavel Piccin, représentante résidente du Fonds des Nations Unies pour la population (Unfpa), elles sont unanimes sur le fait que cette pratique est culturelle. Ce qui rend la tâche difficile. D’où leur engagement ferme pour une sensibilisation plus accrue. « On ne peut pas enfermer tout un village mais c’est vrai qu’il y a des personnes qui ne changent que sous la répression », déclare Argentina Matavel Piccin.
Mais pour l’imam Cissé Djiguiba, fondateur de la fondation ‘’Djigui la grande espérance’’, « après 30 ans de prévention, l’on peut désormais sévir pour que cela s’arrête ». Il estime que c’est déjà une victoire que l’on puisse parler aisément de cette pratique contrairement à des années en arrière ou il était impossible d’aborder le sujet. La question des mutilations génitales féminines n’est donc plus un tabou.
Raïssa Yao
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