La conservation du parc national de la Comoé par l’OIPR se fait avec l’implication des communautés riveraines. En plus des services écosystémiques fournis par cette aire protégée (par exemple le microclimat favorable à l’agriculture), les populations locales impliquées dans la préservation bénéficient en retour des retombées de l’écotourisme et de microprojets qui offrent des emplois et des revenus notamment aux jeunes.
« Avec le développement du manuel d’exécution des mesures riveraines, l’OIPR est passée du mode de gestion répressive à la gestion participative », fait valoir le Lieutenant-Colonel Kissi D’Andous, chargé du service des mesures riveraines de la Direction de zone nord-est (DZNE). L’objectif est d’adapter les impératifs de gestion aux attentes des populations en matière de développement local. Ainsi, les communautés participent à plusieurs activités de la gestion du parc.
L’Office ivoirien des parcs et réserves (OIPR) fait appel à des personnes au sein des communautés dans le cadre des missions de surveillance. Idem pour le suivi écologique, comme l’explique le Lieutenant-Colonel Ouattara Amara , chef de service suivi écologique et système d’information géographique : « Pour chaque mission de terrain, les cinq équipes du service SE-SIG sont constituées chacune de 2 agents de l’OIPR et de 6 écologues villageois appelés également auxiliaires villageois. Ce sont des membres des villages riverains formés pour collecter les données dans le cadre de l’inventaire de la faune du parc ».
Le service des mesures riveraines a été mis en place dans le but d’accompagner les villages périphériques du parc dans le développement communautaire. En effet, depuis 1995, l’Etat ivoirien a entrepris une réforme de la gestion des parcs nationaux et réserves (PNR) avec l’appui des partenaires au développement. Ce qui a abouti à l’élaboration du Programme cadre de gestion des aires protégées (PCGAP), puis à l’adoption de la Loi n° 2002-102 du 11 février 2002 relative à la création, la gestion et au financement des PNR.
Ces réformes vont favoriser la gestion participative. Les communautés riveraines ont ainsi un avis consultatif sur la gestion à travers le Comité de Gestion Locale (CGL), qui lors de ses sessions, suit l’évolution de la gestion du parc. 44 Associations villageoises de conservation et de développement (AVCD) sont mises en place dans la zone périphérique du parc en 2015 dans le cadre de la mise en œuvre du Contrat de désendettement et de développement (C2D), comme à Bania.
« L’AVCD de Bania compte 51 membres tous issus des différentes ethnies du village. En 2019, avec le soutien de l’OIPR, un campement touristique a été construit à l’intérieur du parc. Il est situé à 13 km du village. Il est fonctionnel et accueille les touristes qui veulent venir visiter le parc. Mais comme l’activité n’a pas encore bien commencé, ce sont quelques membres de l’AVCD qui viennent guider les visiteurs en attendant que toutes les infrastructures soient prêtes », explique son président Ouattara Koffi.
Selon nos informations, les discussions se poursuivent avec un opérateur privé pour achever les travaux d’aménagement. Le village a bénéficié d’autres projets. «En 2017, le projet de ferme de poulets de chair a été mis en place par l’OIPR pour l’AVCD et le village. On a produit mais on a eu des problèmes pour écouler les poulets auprès des acheteurs. Ça fait 2 mois maintenant qu’on a stoppé mais on va reprendre. Pour cela, nous lançons un appel à l’OIPR pour nous trouver des marchés pour vendre nos poulets », sollicite M. Ouattara.
Dans d’autres villages comme celui de Sanguinari, les microprojets développés pour les communautés connaissent un franc succès, d’après un animateur : « l’AVCD du village de Sanguinari dans le secteur Bouna a acquis une expertise en termes de production de poulets fermiers et est à présent autonome. Pareillement, l’apiculture est mieux développée dans le village de Kakpin situé dans le secteur Nassian. Il utilise maintenant les ruches modernes au lieu de canari (récipient en terre cuite). Il y a dans certains villages un changement de perception des communautés, ils travaillent désormais collectivement et prône la cohésion sociale, ils comprennent de mieux en mieux la protection du parc et dénoncent de plus en plus les infractions ».
En somme, le programme d’appui aux populations à la périphérie vise à renforcer l’adhésion des acteurs locaux à la conservation du parc en développant des activités génératrices de revenus qui leur offrent des possibilités d’utilisation rationnelle des ressources naturelles.
Malgré ces acquis, des défis subsistent. Les jeunes volontaires des villages périphériques formés pour des tâches bien précises (porteur, guide touristique, auxiliaire, etc.) ne disposent pas de contrat permanent avec le gestionnaire du parc ; ils reçoivent des émoluments pour les missions ponctuelles exécutées. En dehors des activités d’entretien manuel des pistes du parc pour lesquelles :« l’OIPR contracte avec l’AVCD pour exécuter cette tâche », rapporte un animateur.
Les jeunes veulent des emplois stables, des revenus décents et réguliers. Une préoccupation portée par la chefferie au plus haut niveau. Pour Sa majesté Nanan Bedi BEIMPE II, chef de la province de Yalo « il faudrait que les jeunes des villages aient un statut particulier et qu’ils soient reconnus comme des relais de l’OIPR auprès des communautés. La demande est sur la table et est en cours de traitement par l’OIPR ».
« Il faudrait que les jeunes soient plus impliqués dans la surveillance du parc et la veille des infractions dans les villages. L’OIPR doit les embaucher », insiste Ouattara Koffi, président de l’AVCD de Bania. D’autant que ces associations jouent un rôle important dans la sensibilisation des populations sur le braconnage, la gestion des ordures, le prélèvement illégale des produits non ligneux et l’orpaillage.
« Nous dénonçons les personnes qui infiltrent le parc, elles sont arrêtées et jugées. Il le faut parce que l’orpaillage a un impact négatif sur nos enfants. Les jeunes garçons délaissent l’école pour s’adonner à ses pratiques qui n’existaient pas avant. C’est depuis 2015-2016 que les Burkinabés et les Guinéens sont venus avec ses pratiques, ce qui a détourné nos enfants de l’école. Même les jeunes filles aussi abandonnent le collège à 14 -15 ans pour construire un foyer avec ces jeunes orpailleurs », se plaint Sa majesté Nanan Bedi BEIMPE II.
Pour mener à bien sa mission, l’OIPR s’appuie sur les radios locales via des conventions de partenariat. Les organisations de la société civile au niveau local sont également des acteurs clés dans la mission de sensibilisation des communautés dans la préservation du parc. Elles accompagnent les communautés à mettre en œuvre les activités et microprojets avec le soutien de l’OIPR et des partenaires techniques et financiers. L’ONG Etoile du Bounkani a signé en 2021 un partenariat avec l’Office.
Son chargé de programme, Dah Ollo Toussaint, explique : « nous recevons de l’OIPR un appui financier et logistique chaque année, lors de l’organisation du Festival des arts et des cultures de la région du Bounkani mis en œuvre par le Conseil régional et exécuté par l’ONG Etoile du Bounkani. Et depuis 2020, notre organisation a été lauréate du concours de la meilleure organisation de la société civile à œuvrer dans la protection de l’environnement dans tous les cinq secteurs de la DZNE ».
Aussi, avec le soutien de l’ONG Vert Universel, avec laquelle l’OIPR a une convention de partenariat, il est prévu la sensibilisation et la formation, la conception des microprojets pour les associations mises en place. Le président de Vert Universel, pointe du doigt le manque de financement des associations villageoises de conservation.
« Le financement prévu pour toutes ces initiatives ne vient pas dans leur entièreté faute de procédures administratives ou des contraintes souvent indépendantes du gestionnaire du parc. Il existe un problème de compréhension de la création des AVCD et de l’appropriation des microprojets développés par l’OIPR et ses partenaires. A part quelques villages comme Kopingué et Kakpin où les leaders ont poursuivi et réussi les projets jusqu’à leur terme, les autres ont abandonné. A ce stade, il faudrait des renforcements des capacités de la vie associative des AVCD qui sont mis en place mais non opérationnelles », relève Menzan Kouakou Atta Victor.
Il préconise un état des lieux des AVCD pour identifier les défis et proposer des solutions – notamment dans l’implémentation des microprojets – afin de les rendre plus efficaces. Une idée à laquelle adhère le Lieutenant-Colonel Kissi D’Andous, chargé du service des mesures riveraines : « il y a matière à travailler quant à l’efficacité des AVCD. Un diagnostic de leur fonctionnement doit être mené. Il faudrait que nous ayons des leaders communautaires forts qui ont compris les enjeux de la conservation et du développement durable et non des leaders sans vision ».
Au-delà de l’accompagnement des communautés au changement de comportement par l’OIPR, il existe de nombreuses potentialités pour l’écotourisme au sein du Parc national de la Comoé. Des aménagements sont prévus et reste à être financés. Des modifications sans incidence sur l’intégrité du parc et des espèces qui s’y trouvent au bon soulagement des biologistes de la conservation. Parce qu’il ne faut perdre de vue que l’objectif ultime de la création des aires protégées est la conservation de la nature.
Sonia Kouadja
Cette enquête a été réalisée avec l’appui de Eburnie Today et l’ONG IDEF dans le cadre du projet “Building the biodiversity media champion network in Côte d’Ivoire” soutenu par Earth Journalism Network et Internews Europe.
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