« Mieux comprendre le phénomène des enfants dits « microbes » pour y apporter une réponse efficiente ». C’est le thème des échanges de la conférence-débat organisée par les ambassades de France et du Canada à l’Institut français au Plateau le 7 novembre 2017.
Enfants dits « microbes » : qui sont-ils, que font–ils, pourquoi et comment ? La parole leur a été donnée à travers un film pour s’expliquer. « Je suis fâché contre l’Etat. Nos parents ne travaillent pas. Nos grands frères ne travaillent pas non plus. Quand je les vois, cela me révolte. Je m’interroge donc sur ce que le gouvernement fait pour le pays », s’est confié un enfant dit « microbe » sous couvert d’anonymat dans un film projeté pour l’occasion. Ses camarades abondent dans le même sens. « J’en veux à la société », se plaint l’un d’entre eux qui accuse : « la société ne nous écoute pas quand nous parlons.
Eux, ils touchent des millions par mois alors que nous souffrons ». Ces enfants en conflit avec la loi sont manifestement déterminés : « Au fur et à mesure que nous avançons, le phénomène s’agrandit et la police ne peut rien ». Ils se font même de plus en plus menaçant : « En ce moment, nous agressons avec les couteaux. Qu’est-ce qui prouve que nous n’allons pas agresser avec des armes ? ». Ils lancent également des ultimatums : « Si l’Etat veut que nous arrêtions de voler, qu’il trouve du travail pour nous sinon nous continuerons à voler jusqu’à la fin de notre vie ». Cette vie dont il parle, il peut la perdre à tout moment. Puisque membre d’un gang de 50 personnes au départ, ils ne sont plus que 10 à ce jour. Les autres ont été tués lors de leurs différentes opérations sur le terrain. Mais les rescapés continuent sur cette lancée. Ils ont « la foi » qu’ils auront une vie meilleure grâce à cette « activité » qu’ils exercent.
Forces de l’ordre et parents au banc des accusés
Ce film a été réalisé par le Pr Francis Akindès, sociologue et professeur à l’université Alassane Ouattara de Bouaké, après 3 ans d’immersion dans le milieu de ces enfants délinquants. Grâce à un financement de l’ambassade du Canada dans le cadre d’un programme de recherche qui a porté sur les transformations de la violence en Côte d’Ivoire. « Ceux qui nous appellent, ce sont des agences de coopération internationale ». L’universitaire déplore le fait qu’il ne soit pas approché par aucune autorité ivoirienne afin de travailler sur ce mal qui mine la société depuis quelques années. L’Etat ivoirien n’est-il pas interpellé par ce phénomène qui gangrène la société ?
Pour Dr Séverin Kouamé, enseignant-chercheur à l’université Alasssane Ouattara de Bouaké, « c’est un appel de pieds qui est lancé par ces enfants qui estiment être en situation de déni de droit afin d’attirer le regard de la société qui ne regarde que vers le haut ». Aboubakar Diarrassouba, représentant la Commission nationale des droits de l’homme de Côte d’Ivoire (CNDH-CI) estime que ces enfants, malgré les actes posés, restent des enfants et donc ayant des droits que l’Etat ivoirien ne fait pas respecter car n’étant pas en mesure d’appliquer la loi sur l’école obligatoire par exemple : « Tous ces enfants sont en âge d’aller à l’école. Pourquoi sont-ils en dehors de l’école ? Cela voudrait dire déjà sur ce point que l’État a failli ». Pour lui, être en classe permettrait à ces enfants d’avoir un rêve et un avenir meilleur. Il déplore également les conditions exécrables dans lesquels vivent ces enfants.
Si les abidjanais sont tétanisés par l’insécurité engendrée par les enfants en conflit avec la loi, les responsables en charge de la sécurité tentent de rassurer les populations. Marcelin Kouadio, commissaire adjoint au chef du district d’Abobo, commune considérée comme le nid des « microbes », affirme que cette commune ne fait plus peur, assurant que la situation sécuritaire s’est nettement améliorée. « Avant, nous avions 20 alertes par jour. Aujourd’hui, nous pouvons faire plusieurs jours sans alerte pour microbes ». Si les autorités ont engagé des opérations pour lutter contre le phénomène des microbes, certains jugent sévèrement l’attitude des forces de l’ordre dans ce film du Pr Francis Akindès : « la police vole que nous. Lorsqu’ils nous arrêtent après un vol, ils nous demandent de partager le butin ».
Quant à Madame Zagba, coordonnatrice PPEAV du ministre de la protection de la femme, de l’enfant et de la solidarité, elle évoque un autre aspect. Elle affirme que des enquêtes effectuées par le ministère sur le terrain a permis de montrer la responsabilité des parents dans ce phénomène. « Beaucoup de parents ont reconnu avoir démissionné. La société a démissionné », fait-elle observer.
Les microbes sont des enfants dont l’âge varie entre 8 et 17 ans qui agressent à l’arme blanche mais qui opèrent presque toujours en groupes dans lesquels chacun a une fonction spécifique. Ce phénomène frappe la Côte d’Ivoire au moins depuis 5 ans.
Raïssa Yao
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