L’Observatoire ivoirien des droits de l’homme (OIDH) a réuni le 11 octobre 2018 à Abidjan, des experts Africains et Européens ainsi que des acteurs de la société civile ivoirienne, pour un point d’étape sur la Cour pénale internationale (CPI) de plus en plus critiquée avec un accent particulier sur les événements de 2011 en Côte d’Ivoire, le procès Laurent Gbagbo et Blé Goudé et la problématique de la réconciliation nationale.
Susciter un débat national et citoyen sur le procès Gbagbo et Blé-Goudé et plus globalement sur l’action de la CPI en Afrique et entrevoir les liens possibles avec la réconciliation nationale. C’est à travers quatre panel de discussion que professionnels du droit, journalistes, acteurs de la société civile ont échangé leurs vues sur le thème central de ce forum : « Contribuer au déroulement des procès post-crise équitables et impartiaux pour une réconciliation effective et durable en Côte d’Ivoire ».
La CPI face au défi de l’impartialité
Selon Mel Christiano, chef de projet à l’OIDH, le projet dans lequel s’inscrit cette journée d’échange a débuté en 2016 et vise à « observer le procès Laurent Gbagbo/Charles Blé Goudé ou de tout autre mis en cause ivoirien devant la CPI afin d’attester ou non de son caractère équitable et de l’impartialité des procédures à l’égard des accusés, des victimes et des témoins. La vérité pourrait ainsi se manifester ».
Les panélistes ont fait de nombreux constats sur la CPI. Il en ressort surtout que le fonctionnement de cette institution basée à La Haye aux Pays-Bas n’est pas maîtrisé par tous ; ce que suscite parfois des incompréhensions auprès des populations. Selon Me Xavier Keita, avocat et chef du Bureau du conseil public de la défense, « la CPI, ce n’est pas la procureure. Il faut savoir que la CPI est composée du bureau de la procureure et du bureau de la défense ».
Sur le sentiment de justice des vainqueurs qui prévaut au sein d’une partie de la population ivoirienne, Abraham Kouassi, journaliste et expert de la CPI au Centre d’éducation pour une société durable (ESD), a tenu à mettre en avant la stratégie du bureau du procureur. « La procureure est très pragmatique. Elle concentre ses efforts sur le camp Laurent Gbagbo aujourd’hui pour avancer sur les dossiers de la Côte d’Ivoire. Mais comme elle a eu à le dire à plusieurs occasions, il y aura des poursuites dans l’autre camp. C’est une question de rapport de force sur le terrain. Et je pense que c’est une bonne stratégie », décrypte-t-il.
Instruction bâclée
Sur le procès, qui a été suspendu début octobre et qui reprendra le 12 novembre prochain, « après 6 ans de procédures et de procès, le constat est que l’instruction a été bâclée à cause de l’impréparation et de la précipitation avec laquelle les choses se sont passées », relève Me Drissa Traoré, vice-président de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), qui réunit 184 organisations à travers le monde.
Avec l’ordonnance d’amnistie prise par le président de la république le 6 août dernier, la CPI peut-elle poursuivre encore des personnes bénéficiant de cette décision ? Selon plusieurs experts, cette amnistie n’est pas un frein à l’action de la CPI. En plus, les victimes ont le droit de contester cette ordonnance auprès de la justice. Thijs Bouwknegt, de la Netherlands Institute for War, Holocaust and Genocide Studies (NIOD), estime que l’amnistie n’est forcément une bonne solution pour parvenir à la réconciliation. Pour lui, « la meilleure façon de ne plus retomber dans le passé est l’alliage entre un processus de justice transitionnelle et un mécanisme de réparation des victimes ».
« Les victimes doivent être au cœur du mécanisme de recherche de solution. Mais on remarque que ce sont les opérations de DDR [Désarmement, démobilisation et réintégration] qui sont plus considérées. Ce qui pour moi est un encouragement à la délinquance », a ajouté Me Hyacinthe Gbiegba, expert de la Coalition centrafricaine pour la CPI.
Équilibre entre justice pénale et transitionnelle
Olivia Tchamba, représentante de la fondation Trust Africa (partenaire de l’OIDH), a exprimé sa satisfaction concernant les échanges et surtout les propositions qui en sont ressorties. « Notre objectif aujourd’hui était de faire en sorte d’ouvrir le débat, que l’on réfléchisse à trouver l’équilibre entre les mécanismes de justice pénale qui sont en place déjà et les mécanismes de justice transitionnelle qui ont été pensés jusque-là afin de favoriser la réconciliation en Côte d’Ivoire. Les échanges ont été très riche en contenue. Nous sommes heureux de cette approche novatrice qui permet de faire émerger de bonnes idées pour la poursuite des actions », a-t-elle souligné, assurant que Trust Africa est engagé aux côtés de tous les acteurs africains qui initient des actions notamment sur la justice pénale internationale.
Des recommandations allant dans le sens de plus d’action de communication et de sensibilisation sur l’action de la CPI ont été formulées. Des experts venus de la Guinée, de la Zambie, du Mali, de la RDC et de la Centrafrique ont partagé les expériences de leur pays et les mécanismes qui sont mis en place pour parvenir à une reconstruction post-crise et une réconciliation.
Ab Bakhary Traoré
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