Enquête et investigation

Quand la porosité des frontières inquiète

Les pistes de contournement et le racket constituent de graves risques pour la Côte d’Ivoire dans un contexte de menaces d’extrémisme violent aux frontières nord du pays.

Chaque jour, ce sont au moins 38 cars transportant environ 2.300 personnes qui traversent la frontière que partage la Côte d’Ivoire et le Mali en passant par la localité de Tengrela. A cela s’ajoute environ 860 motos-taxis et 90 camions de transport de marchandises dont les activités amplifient les échanges commerciaux entre les deux pays.

Une frontière au tracé effectif sur la carte mais en ces lieux, elle semble imaginaire. Les mouvements de personnes et de biens se font souvent de manière informelle, échappant ainsi à tout contrôle officiel. Le problème ? La porosité de la frontière de Tengrela – Mali.

Les pistes de contournement poussent comme des champignons

Tengrela, c’est à 08 km de la frontière malienne. La ville d’environ 48.000 habitants est bouillonnante d’activités diverses. Les voyageurs en provenance ou en partance pour le Mali transitent par cette ville. Quitter le Mali pour la Côte d’Ivoire sans être soumis à des contrôles est un véritable jeu d’enfant. Youssouf Kouyaté, chauffeur de moto-taxi sur cet axe, explique comment les voies officielles sont contournées au profit de pistes officieuses.

« Oui ça existe mais c’est trop risqué. Ces déviations qui t’amènent tout droit à Kadiana au Mali sans rencontrer ni forces de l’ordre ivoirienne, ni forces de l’ordre malienne. Mais c’est coûteux. On te prend au moins 25.000 fcfa. En dessous, ce n’est pas possible. »

De nombreuses pistes sont utilisés par les moto-taxis

Les pistes de contournement poussent comme des champignons selon l’inspiration et la créativité des conducteurs de motos-taxis. Difficile donc d’avoir une idée exacte du nombre de ces pistes. Seuls ceux qui les empruntent savent où elles sont situées et à quel moment passer. Pas besoin d’aller vers eux, ces chauffeurs de motos-taxis. Ils vous abordent dès que vous descendez d’un bus de transport en commun. Ils ont le contact facile et savent convaincre leur client.

Elles sont nombreuses ces personnes qui préfèrent ces motos afin d’éviter toute rencontre avec des forces de l’ordre ivoirienne ou des agents de l’INHP, l’Institut National d’Hygiène Publique qui contrôlent soit les pièces d’identité soit les carnets de vaccination des voyageurs. Ainsi, des cars se vident à moitié depuis Kakoli, le dernier village malien avant d’atteindre le poste de contrôle ivoirien. Un choix qui n’est pas fortuit. Tout comme Adjaratou Diakité, certaines personnes préfèrent les pistes de contournement pour éviter les contrôles.

« Nous venons du Mali pour une cérémonie de mariage en Côte d’Ivoire. Nous avons beaucoup souffert sur cette voie. Ce sont ces motos-taxis qui nous aident parce que de l’autre côté on nous demande la vaccination à jour ainsi que beaucoup de choses pour lesquelles nous n’avons pas les moyens. S’ils peuvent amoindrir toutes ces exigences, ce serait l’idéal par ce que nous sommes fatigués », fait-elle remarquer.

Les raisons des contournements

L’argent n’est pas le principal problème pour certains voyageurs. Le choix des pistes de contournement est dicté par des problèmes d’ordre sanitaire. Venu d’Espagne et au moment de quitter le Mali, Oumar Sissoko est passé par la route pour atteindre Abidjan avant de poursuivre son trajet vers l’Europe. Pour passer la frontière Mali-Tengrela, il a préféré passer par les pistes de contournement avec sa femme qu’il vient fraichement d’épouser au Mali.

« Si je me fais vacciner ici, une fois en Espagne, si je tombe malade et que les médecins se rendent compte que je me suis fait vacciner ici, ils ne me prendront plus en charge et je serai livré à moi-même », explique-t-il.

Des choix qui ne sont pas rares, souligne Traoré Tenon, vice-président des chauffeurs de motos-taxis à Tengrela. « La plupart des maliens se mettent en tête que quand ils se vaccineront, ils tomberont malade. Donc certains préfèrent emprunter les motos pour aller attendre le car au moins à 5 Km du Mali. »

La vaccination est obligatoire pour avoir accès au territoire ivoirien

Juste avant le premier poste frontalier ivoirien, des passagers descendent des cars à Kakoli, dernier village malien, sur l’axe Bamako-Côte d’Ivoire. Ces derniers, empruntent ensuite des pistes de contournement via les motos-taxis pour rattraper le même car à Tengrela et poursuivre leur chemin vers leur ville de destination.

Leur stratégie ? Ces voyageurs descendent avec leurs bagages, explique Diarrassouba Hassane Justin, l’un des responsables d’une compagnie de transport à Tengrela. « Aucun bagage ne passe la frontière si le propriétaire n’est pas dans le car au moment du contrôle au poste. Donc si tu choisis de passer par les pistes de contournement pour rattraper le car à Tengrela ou y rester, tu descends avec tes bagages pour ne pas nous mettre en retard. »

Le racket a la peau dure

En dépit de la vigilance des transporteurs et des forces de l’ordre, des bagages peuvent subir toutes sortes de modification sans qu’ils ne soient contrôlés une seconde fois jusqu’à destination. Comme quoi, des stratégies existent pour passer entre les mailles du filet. Concernant les voyageurs dont la destination finale est Tengrela, les motos-taxis qu’ils empruntent pour contourner les barrages des forces de sécurité les accompagnent jusqu’au lieu indiqué.

Sur les pistes de contournement, les contrôles sont difficiles ou inexistants. Cependant, des agents des forces de l’ordre au parfum de cette stratégie de contournement vont donc se poster sur des pistes, non pas pour la surveillance mais pour se livrer au racket des voyageurs. Bien avant d’embarquer son client, Sangaré Moussa le prévient sur la probabilité qu’il verse de l’argent à des FDS s’ils en croisent sur ces pistes.

« Si on trouve des corridors devant, parce que les gendarmes prennent souvent les déviations afin de croiser ceux qui empruntent ces pistes, ils peuvent te prendre 2.000 fcfa. Cependant, si tu as su négocier, ils vont prendre 1.000 fcfa », détaille ce conducteur de taxi-moto. Un phénomène de racket récurrent, témoigne Traoré Tenon.

« Comme les corps habillés le savent, ils viennent à Nigouni. Lorsqu’on vous attrape dans une petite piste, on vous fait payer de l’argent avant de vous permettre de rentrer (…) Si tu le prends donc pour l’envoyer au poste afin de le faire vacciner au lieu de lui prendre de l’argent, est ce qu’il empruntera encore ces pistes ? »

Un mort dans les altercations entre forces de l’ordre et motos-taxis

Le racket est souvent source de tensions entre forces de l’ordre et chauffeurs de motos-taxis. Des altercations violentes par moment qui ont déjà coûté la vie à un chauffeur de tricycle qui se rendait au Mali en passant par Kakoli, puis Gongôrô avant d’atteindre Kadiana en territoire malien.

Le passager que le moto-taxi transportait a aussi été blessé lors de l’incident survenu le 11 juillet 2023. À la suite du drame, les populations se sont révoltées et ont demandé que justice soit rendue. Pour parer à toute émeute, le préfet du département de Tengrela avait décrété un couvre-feu de trois jours, du 11 au 13 juillet 2023, entre 18 h et 07 h.

Les voyageurs évitent les voies officielles en raison du racket

Personne n’est à l’abri de violences sur les pistes de contournement. Souvent, les chauffeurs sont eux même victimes d’agressions de la part de leurs propres clients. « Il n’y a pas longtemps, nous avons eu un problème avec un collègue. Après avoir pris un client pour la déviation, une fois en brousse, ce dernier dit qu’il va descendre pour uriner. Portant ses amis l’attendaient en brousse. Les amis de ce dernier sont donc venus se joindre à lui pour braquer notre ami. Ils voulaient même le tuer. Dieu merci, il a pu s’échapper. Les évènements se sont produits la nuit. C’est pourquoi nous travaillons rarement la nuit », se souvient Youssouf Kouyaté.

Les pistes de contournement sont des zones de non-droit qui échappent bien trop souvent à la surveillance des forces de sécurité. De nombreux accidents se produisent sur ces pistes dangereuses qui sont aussi empruntées de nuit.

Une situation que les chefs de gares, responsables de compagnies de transports et autres propriétaires de cars acceptent difficilement, observe Diarrassouba Hassane Justin. Ce responsable d’une compagnie de transport juge la situation regrettable mais admet leur impuissance.

« Le transport des passagers par le biais des motos-taxis est un phénomène que nous n’encourageons pas en tant que transporteur. Nous ne l’encourageons pas eu égard aux risques que cela entraine. Les accidents sont perpétuellement enregistrés et ce sont des accidents dramatiques. Il y a à peine deux jours, il y a un petit qui est encore à l’hôpital à la suite d’un accident de taxi-moto. Donc nous n’encourageons pas les passagers mais nous ne pouvons-nous opposer au phénomène de moto-taxi parce que c’est de ça que les gens vivent », déplore-t-il.

Quelles solutions face aux pistes de contournement ?

Les acteurs du transport que nous avons interrogés reconnaissent que les pistes de contournement représentent un véritable danger pour les voyageurs. L’absence de carnet de vaccination à jour est l’argument principal avancé par ceux qui les empruntent. Afin de réduire leur usage, Bamba Ibrahim, responsable du syndicat des transporteurs à la frontière Tengrela-Mali propose une procédure d’allègement au niveau de la vaccination.

« Il va prendre une moto-taxi de Tengrela à Kakoli à 3.000 fcfa ou 2.500 fcfa au lieu de ça qu’il vienne faire son vaccin aller 2.500 fcfa retour 2.500 fcfa ça fait 5.000 fcfa. Pour son troisième voyage, vous insistez afin qu’il complète. La déviation est trop dangereuse. Les motos-taxis prennent des passagers sans savoir qui ils sont. Eux, ils veulent leur argent seulement. Il y a trop d’insécurité et c’est trop dangereux. »

L’Institut National d’Hygiène Publique (INHP) indique être conscient des difficultés des voyageurs s’agissant de la vaccination. Yao Kouakou, directeur de l’INHP dit avoir assoupli des mesures qui s’appliquent uniquement aux voyageurs qui empruntent la voie autorisée.

« J’ai plusieurs fois rencontré des compagnies de transport parce qu’à un moment donné eux-mêmes avaient vu que c’était trop compliqué et on s’est entendu sur plusieurs faits. On a même eu à faire des concessions pour leur faciliter la tâche. Parce qu’il y a d’autres qui prennent leur malade ici pour aller l’autre côté au Mali. Bon, quelqu’un qui a un malade entre les mains, est-ce qu’il faut lui exiger une vaccination compliquée ? Qui va lui prendre de l’argent qui peut lui servir pour soigner son malade ? Donc j’ai laissé des consignes très souples pour permettre à ces personnes d’aller et de revenir », explique-t-il.

Avant d’ajouter que les vaccins peuvent se faire par ordre de priorité selon le pays de destination. « Pour aller au Mali, Burkina et Niger, il n’y a que le vaccin de la fièvre jaune qui est obligatoire, qui donne droit au carnet international et puis on recommande la méningite pour ne pas que en allant rencontrer une épidémie, vous revenez avec elle. Donc on insiste sur les prix qui ne sont pas fixés localement mais qui sont fait de manière nationale. »

L’INHP a décidé d’assouplir le processus de vaccination aux postes de contrôle

Afin de remédier donc au problème de contournement des pistes, Yao Kouakou préconise une grande implication des différents chefs de communautés.

« J’aimerai que les chefs de communauté, telles que la communauté malienne, burkinabè, nigérienne et autres nous aident à la sensibilisation. Parce que quand eux-mêmes prennent le taureau par les cornes, les gens acceptent. Mais il y a toujours des petits éléments qui sont dans les gares routières et qui trompent toujours des personnes qui ne savent ni lire, ni écrire. Et quand ils leur font croire que la vaccination coûte à la frontière 25.000 fcfa, alors que ce qu’il a sur lui c’est 5.500 fcfa, 8.000 fcfa ou même 10.000 fcfa, il va préférer le suivre en brousse là-bas en prenant des risques. »

Trafics tous azimuts sur ces pistes

En dehors du transport des voyageurs, les pistes de contournement servent également à convoyer des marchandises frauduleuses, du bétail aux origines inconnues ou du carburant acquis de façon illégale.

« La douane est déjà venue chercher des bagages à la gare ici. De passage, ils ont remarqué qu’il existait certaines marchandises qui ne sont pas passées par leurs postes. On leur a dit que c’est passé par les pistes de contournement. Ils ont donc tout ramassé », témoigne Bamoussa Koné, Secrétaire général des transporteurs de Tengrela.

La proximité de la frontière donne lieu à différents trafics

Ces contournements, qui échappent pour la plupart aux patrouilles des forces de sécurité, sont devenus un business bien lucratif pour les transporteurs qui se frottent les mains. C’est ce que révèle Youssouf Kouyaté, conducteur de moto-taxi.

« Les déviations sont plus coûteuses que la voie normale. Pour une déviation, nous pouvons prendre 10.000 fcfa au client pour dévier le poste de contrôle. Pour la voie normale, nous prenons 5.000 fcfa ou 6.000 fcfa. Donc nous gagnons plus avec les déviations », se réjouit-il. Face aux dangers sur ces pistes, certains voyageurs, comme Konan Cédric, préfèrent emprunter la voie officielle.

Ils passent par la route frontalière autorisée où la sécurité est assurée par les forces de sécurité. « J’ai tous mes papiers au complet, j’ai fait mes vaccins donc je ne suis pas obligé de passer par les pistes de contournement. Là-bas il y a assez de risques. C’est pourquoi je passe sur la grande voie. Si tu passes là-bas, tu peux croiser des bandits, des braqueurs. »

Lutter contre le racket

Afin de dissuader les voyageurs de prendre les voies de contournement, il est impératif de s’attaquer à un autre défi : le racket. Depuis le poste de Tengrela ce prélèvement illégal semble « légalisé ». Selon nos observations sur place, bien avant d’arriver dans le centre-ville de Tengrela, une fouille minutieuse des cars est effectuée avant que les coffres ne soient scellés. Pour cette enquête, nous embarquons à Tengrela dans l’un des cars en provenance du Mali pour Abidjan.

A partir de la ville de Tengrela jusqu’à Kanawolo, toujours dans le nord de la Côte d’Ivoire, chaque passager de nationalité étrangère s’acquitte de la somme de 1.000 fcfa par poste, soit un total de 8.000 fcfa pour les huit barrages prévus sur l’axe. Pour éviter les retards aux postes de contrôle, le convoyeur se charge lui-même de contrôler les pièces d’identité des passagers dans le véhicule et de collecter cette somme pour la remettre aux agents. Les personnes n’ayant pas de pièce d’identité sont priées de descendre du car pour s’entretenir… avec les forces de l’ordre à chaque barrage.

Le racket ne concerne pas seulement les voyageurs. Les chauffeurs de camion de transport de marchandises subissent aussi ces paiements illicites aux postes de contrôle officiels. La fouille des gros camions est très minutieuse à ces postes frontaliers. Tout est contrôlé au détail près. Cependant, chaque camion doit payer 1.000 ou 2.000 fcfa à chaque poste.

Le racket persiste sur le long axe routier menant au Mali

« Les postes de contrôle qui sont au niveau de la frontière, sont bien rigoureux et font bien leur travail. Là il n’y a pas de problème. Mais les autres barrières qui se trouvent au milieu là, vraiment on essaie de voir si nos responsables pouvaient demander pardon au gouvernement pour les diminuer, c’est trop. Si tu dois payer 2.000 fcfa à chaque barrage, c’est plus que le prix du carburant de la trajectoire », se plaint Ouattara Youssouf, chauffeur de gros camion et chef de ligne Korhogo-Mali.

Selon Cissé Inza Malik, également conducteur, le racket est à la base de plusieurs accidents de la route causés par les gros camions. Car, observe-t-il, le voyage de nuit comporte plus de risques mais il est préféré par plusieurs chauffeurs de gros camions pour éviter les tracasseries.

« Ce sont les motards qui nous fatiguent sinon au niveau des barrières c’est un peu bon. Si vous constatez que beaucoup de camions roulent la nuit, c’est dû à la présence des motards. Sinon certains peuvent rouler de jour comme d’autres de nuit. Si mon chargement finit à 10 h, je peux prendre la route mais si je sais qu’il y a les motards devant, si je prends la route ils me fatigueront. J’attends la nuit, sur 10 motards au moins 05 seront rentrés et je pourrai payer 05 et garder 5.000 fcfa sur moi pour mon argent de popote. »

Renforcer la collaboration FDS-population

Conscient de tous les risques liés à la porosité de leur frontière, la cellule civilo-militaire à la frontière Tengrela-Mali, composée de 40 membres (15 FDS et 25 civils), joue beaucoup sur la sensibilisation dans un contexte de crise sécuritaire dans le nord de la Côte d’Ivoire et dans les pays voisins.

« Avec le phénomène djihadiste, la cellule civilo-militaire a mené des sensibilisations dans tous les 04 chefs-lieux de département en collaboration avec les autorités administratives présentent dans ces zones pour expliquer le djihadisme et comment ensemble on pouvait avoir une solution à cela. Ce qui est une bonne collaboration entre FDS et population », raconte Konaté Pedjondjé, Secrétaire exécutif de cette cellule civilo-militaire.

Une collaboration où le partage d’informations est le mot d’ordre en cas de soupçon. « Que la population n’ait pas peur des FDS car elles sont là pour notre sécurité. En cas de soupçons sur des personnes, contactez la cellule civilo militaire ou les FDS qui sont habilités à mener des enquêtes dans ce sens afin que la lumière soit faite. Nous avons mené beaucoup d’actions dans ce sens-là », exhorte Konaté Pedjondjé.

Le passage aux postes de contrôle officiels est un gage de sécurité pour les voyageurs

Les pistes de contournement constituent un véritable fléau dans cette partie nord du pays. Dans un contexte de crise sécuritaire et de menace djihadistes, la question mérite une attention particulière. Même si à cause de la 34ème édition de la coupe d’Afrique des nations (CAN) en Côte d’Ivoire, la sensibilisation est de mise pour éventuellement pallier toute menace sécuritaire.

Bien avant ce grand rassemblement footballistique africain, le préfet de la ville de Tengrela, Gnalega Cofohonon Ruth Anne-Marie Brou, s’est entretenue avec les chauffeurs de motos-taxis sur la sécurité de la porte d’entrée en Côte d’Ivoire par Tengrela, les exhortant à éviter les pistes de contournement avec leurs clients. Comme l’explique Traoré Tenon, vice-président des chauffeurs de motos-taxis.

« Nous avons donc veillé au respect de ce mot d’ordre. Nous-mêmes qui sommes les présidents, comme des corps habillés. Puisque c’est nous qui maîtrisons ces pistes et maîtrisons aussi nos éléments. Donc nous ne voulons pas qu’un mal passe par les taxis-motos. Lorsqu’un corps habillé te respecte, il faut le respecter. La loi d’un pays doit aussi être respectée. »

Pour le respect de cette consigne, il a fallu des compromis entre forces de l’ordre et organisation de motos-taxis, poursuit-il. « Ça ne veut pas dire que les motos taxis ont arrêté de travailler. Nous passons maintenant avec les passagers directement par la voie normale. Au fait, nous avons un problème ici, tous les chauffeurs de motos-taxis n’ont pas un permis et une assurance. Il y a certains parmi nous qui rentraient en brousse parce qu’ils n’avaient pas de papiers. Donc nous nous sommes entendus avec les forces de défense et de sécurité afin qu’elles acceptent pour l’heure ceux qui ont leur assurance, leurs pièces ivoiriennes et la carte de notre syndicat. »

A la frontière entre la Côte d’Ivoire et le Mali, les forces de défense et de sécurité se sentent obligées de jouer la carte de la prudence à cause de la fibre familiale, tout en tenant compte de la réalité sociologique qui lie ces peuples de part et d’autre. Renforcer la sécurité dans ces zones demande une bonne connaissance de ces réalités culturelles et sociologiques de ces populations.

Un assouplissement dans certains contrôles est nécessaire pour faciliter la libre circulation des personnes et des biens et éviter les tensions qui surgissent parfois et conduisent au soulèvement des populations. Le renforcement de la relation de confiance entre forces de défense et de sécurité et les populations civiles est primordiale. Ce qui devrait faciliter les initiatives de partage de renseignement, de renforcement de la sécurité à ces frontières et de lutte contre l’extrémisme violent.

Loua Léonard, Coulibaly Adama, Aicha Diarra & Paul Winner

Cet article s’inscrit dans le cadre du projet résilience pour la paix financé par le Peuple américain à travers l’USAID et mis en œuvre dans les zones frontalières nord de la Côte d’Ivoire.

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