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Recyclage : la seconde vie des sachets plastiques

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Des ordures à l’unité de transformation pour produire d’autres utilisables du quotidien, les sachets plastiques représentent toute une filière dont vivent des centaines de personnes. Qui sont ceux passent leurs quotidiens à fouiller les poubelles ? Que deviennent les sachets plastiques après leur recyclage ? L’activité est-elle lucrative ? Les différents acteurs se prononcent…

Rien ne se perd, tout se transforme. La maxime du philosophe Antoine Lavoisier est aussi valable pour le secteur des déchets. Une fois que les ménages et les entreprises se débarrassent de leurs ordures et déchets, commence une autre activité qui part de la collecte des sachets plastiques à leur transformation en bâches plastiques et autres produits. Une filière qui fait vivre de nombreuses familles.

A Attécoubé, plusieurs femmes s’investissent dans ce secteur. Elles sillonnent la commune, font le tri des ordures pour collecter les sachets usés. Comme l’explique Korotoumou Samaké, 39 ans : « on se promène pour ramasser les sachets dans les poubelles. Si c’est beaucoup, on lave ». Cette veuve, qui exerce cette activité depuis 12 ans, affirme qu’elle a à sa charge 6 enfants dont le premier est en classe de 5ème. Si ces femmes collectent elles-mêmes ces sachets, elles les achètent aussi auprès des enfants et de jeunes qui les ramassent dans les dépotoirs ou les bacs à ordures.

Le plastique que ces femmes collectent sous différentes formes est entassé en grande quantité sur un terrain vague au quartier Santé village (en bordure de la lagune) contigu à Mossikro, à Attécoubé. Vient l’étape suivante : le nettoyage. Sur cet espace, elles lavent les sachets blancs avec de l’eau de javel ou de la lessive. Car le prix de vente est fonction de la propreté du plastique. Ces prix varient entre 100 francs et 150 francs Cfa le Kilogramme. Les sachets sont vendus séparément : ceux de couleur blanche d’une part, les autres couleurs et le blanc plutôt sales de l’autre. Pour disposer d’un important stock de sachets plastiques avant de procéder à la vente, ces femmes mettent plusieurs jours voire un mois.

Une activité rentable ?

Vendre des sachets plastiques est-il rentable ? Les gains sont-ils substantiels ?

« Pour avoir 50 000 francs CFA, les vendeuses peuvent faire au moins deux mois ! », fait observer Sylla Vazoumanan Koutouan, 56 ans, qui assiste depuis plusieurs années ces femmes pour la plupart analphabètes.

C’est lui qui se charge d’enregistrer les quantités de plastique pour chacune d’elles et les montants qui leur reviennent. Ces bals de sachets plastiques sont ensuite chargés à bords de camions qui les acheminent vers la zone industrielle.

Comme Drabo Bibata, 69 ans, Yattié Kané, 32 ans, dont le mari est sans emploi, exercice cette activité pour subvenir aux besoins de la famille.

« C’est grâce à cette activité que mes enfants vont à l’école », déclare cette jeune dame, qui précise que la première de ses cinq enfants est en classe de seconde.

Contrairement au travail que font ces femmes, Silué Tiélidja, ne ramasse pas les sachets plastiques : elle les achète auprès de collecteurs souvent au Banco. Le Banco, grande buanderie à ciel ouvert est un lieu de ralliement des collecteurs et acheteurs de sachets plastiques à Abidjan.

« Je peux payer le kilogramme à 100 francs, 150 francs, souvent à 200 francs et je viens revendre », explique cette jeune femme de 27 ans qui pratique cette activité depuis plus de 10 ans.

Sa particularité : elle détient le monopole du marché auprès de l’entreprise Hussein de recyclage ou elle revend exclusivement sa marchandise. Cette modeste entreprise de transformation située à Yopougon en face de Uniwax, a été créé en 2005 mais est dirigé depuis quelques années par Huessein Haïdar en qualité de PDG.

L’usine de recyclage des sachets plastiques

Dans l’enceinte de cette unité qui utilise uniquement du plastique de couleur blanche, Silué Tiélidja procède également au lavage des sachets. Car il faut traiter ceux qui sont sales ou trop sales. Pour cette tâche, elle sollicite entre 6 et 15 femmes qui sont rémunérées chacune à 2000 francs Cfa par jour. Hussein de recyclage achète enfin entre 350 francs et 400 francs Cfa le kilogramme de sachet plastique en fonction de la blancheur. C’est en moyenne entre 150 et 200 000 francs Cfa qu’elle réalise comme bénéfice par mois.

« C’est cette activité qui me permet de payer la scolarité de mon fils », s’empresse de préciser Silué Tiélidja, dont le fils de 8 ans est en classe de CP2.

Une seconde vie au plastique

Les sachets plastiques issues du système de collecte informel constituent la matière première qui est utilisée par Hussein de recyclage pour confectionner les bâches noires très prisées pour le séchage du cacao, de l’hévéa ou pour couvrir des abris de fortune. L’usine dispose d’un plateau technique composé de plusieurs machines. Première étape de la transformation : la broyeuse. On y déverse par l’orifice d’entrée une quantité de sachets plastiques qui produit après broyage un résidu friable. En fonction de l’épaisseur des bâches que l’on veut obtenir (petite ou grande), deux autres machines s’occupent de la transformation. Au résidu friable obtenu après broyage, on ajoute du colorant pour donner la couleur noire. Ces machines produisent des rouleaux de bâches noires.

Au sein de l’usine, rien n’est jeté dans le circuit de production. Les résidus qui se déversent dans l’usine (appelé balayage) sont récupérés, stockés dans des sacs, tamisés pour ôter les impuretés puis à nouveau recyclés. Avec une tonne de sachets plastiques recyclée, la production finale de l’usine oscille entre 900 kilogrammes et une tonne. Pour Hussein Haïdar le PDG de cette unité qui emploie directement une vingtaine de personnes, du matériau biodégradable est ajouté au plastique dès l’étape de broyage. L’objectif est d’obtenir un produit fini facilement dégradable au bout de deux ou trois mois une fois que les bâches noires rejetées dans la nature après leur utilisation.

« L’Etat normalement devait nous donner un diplôme pour ce qu’on fait », estime le PDG de cette usine dans le bruit assourdissant des machines.

Hussein Haïdar soutient que le travail de son entreprise consiste à débarrasser Abidjan des déchets encombrants qui sont produits au quotidien tout en y apportant une valeur ajoutée à travers notamment la création de nombreux emplois directs et indirects. Le recyclage effectué par l’usine en amont contribue au développement d’une filière dont dépendent et vivent des centaines de personnes.

« Tant qu’il y a de grandes usines qui travaillent, tant qu’il y a des déchets. Sur une tonne, la machine fait 50 à 100 kilogramme de déchet en 24 heures. Donc pour celui qui a 100 machines, imaginez la quantité de plastique qu’il jette ».

Hussein Haïdar juge cette activité de recyclage fastidieuse avec de maigres marges bénéficiaires, ce qui a contraint deux ou trois unités implantées dans son secteur à fermer.

« C’était difficile et puis il n’y a pas un grand bénéfice. Quand il n’y a pas trop de gens dans une activité, c’est que ce n’est pas facile », soutient-il.

Menace sur le secteur du recyclage

Hussein Haïdar, demande un appui du Gouvernement face à la précarité de la filière plastique

Depuis l’annonce de la suppression des sachets plastiques souhaitée par le gouvernement ivoirien, la filière informelle de collecte des sachets plastiques et son recyclage en amont est menacée. La fermeture des grandes unités de production de sachets plastiques risque d’impacter leurs activités.

« Au moment où les grandes usines arrêtent de produire, nous sommes aussi obligés de nous arrêter parce que nous utilisons leurs déchets », s’inquiète le PDG de Hussein de recyclage.

Une angoisse partagée par ces nombreuses femmes qui sillonnent les rues de la capitale économique ivoirienne pour collecter les sachets plastiques usagés. Pour elles, cela signifierait aussi la fin de leur business. Et elles ne cachent pas leur crainte.

« On a peur. On va manger comment ? Pour payer notre maison, on va faire comment ? Tout ça fait qu’on a peur », s’inquiète Korotoumou Samaké.

L’inquiétude paralyse d’une certaine manière la filière déjà que la fourniture des sachets plastiques n’est pas régulière.

« Souvent tu peux faire une semaine tu n’as pas, tu arrêtes. Souvent tu peux faire un mois et tu as tous les jours. Ça dépend parce que tout vient des grandes usines » nous explique Hussein Haïdar.

Avec l’action du gouvernement visant à faire respecter l’interdiction des sachets plastiques, les acteurs de la filière collecte et recyclage devront-ils tout arrêter ou envisager une véritable reconversion ?

Anderson Diédri

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