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Quand la Révolution verte en Afrique vire à la promotion de l’agrobusiness !

Le Forum pour la révolution verte en Afrique (AGRF) se déroule du 4 au 8 septembre 2017 en Côte d’Ivoire, premier pays africain francophone à abriter cette plateforme créée en 2010.

La Côte d’Ivoire accueille dès ce lundi le Forum pour la révolution verte en Afrique (AGRF). Outre le président ivoirien, plusieurs chefs d’Etat sont attendus à Abidjan. Mais la Révolution verte en Afrique est controversée. Si ces promoteurs, avec à leur tête l’Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA), assurent qu’elle vise à attirer plus d’investissements dans le secteur agricole afin entre autres d’apporter une plus-value aux revenus des petits exploitants et de lutter contre la pauvreté et la faim, d’autres acteurs pensent qu’elle cherche à industrialiser l’agriculture africaine.

Le concept de révolution verte suscite en tout cas la méfiance des organisations de la société civile et de certains spécialistes. Pour le Pr Jeanne Zoundjihekpon, enseignant-chercheur à l’université d’Abomey-Calavi au Benin, la révolution verte déjà utilisée en Asie et en Amérique latine des années 60, est aujourd’hui proposée à l’Afrique.

Pour celle qui milite également dans la société civile depuis de longues années, la révolution verte promeut une agriculture industrielle qui dépend de l’extérieur, qui utilise les intrants chimiques et parfois des semences génétiquement modifiées.

« On des preuves que les OGM [organismes génétiquement modifiés] sont dommageables pour l’environnement. Mais au-delà, pour la santé humaine, on a des inquiétudes aussi », s’inquiète Pr Jeanne Zoundjihekpon, directrice du laboratoire de génétique écologique du département de génétique et des biotechnologies de l’université d’Abomey-Calavi.

Ange Baimey, représentant Afrique de l’Ong GRAIN basée en Espagne, ajoute que l’idée de la révolution verte, un « vieux concept », c’est d’accroitre la productivité quel que soit l’approche utilisée : « Donc c’est venu avec la mécanisation, l’introduction de semences hybrides pour pouvoir avoir de très hauts rendements et ce contre l’esprit de faire une agriculture qui était saine, durable et faite dans les conditions qui respectent l’environnement ».

En tout cas, parmi les principaux partenaires du Forum pour la révolution verte en Afrique figurent l’Alliance pour la révolution verte en Afrique (AGRA), Grow Africa, la Banque africaine de développement (BAD), le Fonds international de développement agricole (FIDA), le Partenariat africain  pour l’engrais et l’agroalimentaire (AFAP) et aussi la société suisse Syngenta, multinationale spécialisée dans la production de produits phytosanitaires et de semences, dont les organismes génétiquement modifiés (OGM).

Agrobusiness

Le thème de cette 7ème édition du Forum pour la révolution verte en Afrique est : « Accélérer la marche de l’Afrique vers la prospérité : Contribuer à la croissance d’économies inclusives et à la création d’emplois à travers l’agriculture ». Selon le communiqué de presse transmis par les organisateurs, ce forum, qui réunit plusieurs parties prenantes pour discuter et élaborer des « plans concrets » visant à réaliser la révolution verte en Afrique, analysera également les innovations et les interventions sur le terrain afin de s’assurer que les petits exploitants agricoles et les petites entreprises agricoles constituent les principaux moteurs et bénéficiaires de la transformation du secteur agricole en Afrique.

Est-ce une opportunité pour l’agriculture familiale et l’agroécologie ? Pour le Pr Jeanne Zoundjihekpon, « nous avons montré que la révolution verte et l’agriculture industrielle, ce n’est pas pour les petits exploitants. Comme nous avons souvent dit ça, aujourd’hui on nous dit la révolution verte, l’agriculture industrielle c’est aussi pour les petits exploitants. C’est pour ça que je parle d’usurpation ». L’universitaire estime que ce forum ne peut pas servir les intérêts des paysans et agriculteurs qui n’attendent qu’un soutien pour développer davantage l’agriculture familiale et l’agroécologie.

Que gagnent les petits producteurs dans cette course à la surproduction ?

Un changement structurel n’est envisageable que si les agroindustries reposent en grande partie leur approvisionnement en matières premières sur les plantations villageoises. Mais pour l’heure, la tendance est au développement de leurs propres plantations industrielles. Ce forum veut aussi discuter des voies et moyens de mobiliser de plus importants investissements en faveur du secteur agricole et des chaines de valeur. Ange Baimey souligne que ces financements sont principalement dirigés vers les multinationales et le secteur privé pour faire de l’agriculture à grande échelle sur de grands espaces au détriment des organisations paysannes et des petits exploitants agricoles parfois dépossédés de leurs terres cultivables.

« On a plusieurs exemples comme les cas d’accaparement de terres en Côte d’Ivoire où on voit que les petits exploitants, ces petits agriculteurs sont poussés en dehors de l’agriculture et on veut faire place à l’agriculture industrielle, à la monoculture. C’est-à-dire faire de l’hévéa sur 11 000 hectares de terre comme on le voit à Famienkro. Ça, c’est l’agrobusiness qui est poussé », dénonce Ange Baimey.

Promouvoir l’agriculture familiale et l’agroécologie

Il rappelle que la plupart des pays africains n’ont jusque-là pas respecté leurs engagements pris en 2003 à Maputo d’accorder 10% de leurs budgets à l’agriculture (seuls 8 sur les 44 gouvernements de l’Afrique subsaharienne ont tenu cette promesse) parce que « les politiques regardent trop le secteur privé ».

« C’est ce même secteur privé à travers des mécanismes très bien outillés qui vend les engrais, qui vend les pesticides, donc qui se positionne juste sur un marché qui lui est favorable et à travers aujourd’hui le brevetage des ressources naturelles qui fait énormément de profits », développe-t-il, observant que les politiques comme la Nouvelle alliance du G8 pour la sécurité alimentaire et la nutrition (NASAN), Grow Africa, les Plans nationaux d’investissements agricoles (PNIA) ou les Accords de partenariats économiques (APE) font la part belle au secteur privé et mettent en difficulté les petits paysans.

« Les producteurs et les petits paysans qui n’ont pas compris que ce forum sur la révolution verte est un piège vont penser que c’est une opportunité. De même pour les chercheurs, les enseignants-chercheurs, les universitaires qui vont penser que c’est une opportunité pour faire de la recherche avec les producteurs », interpelle pour sa part Pr Jeanne Zoundjihekpon.

Pour une agriculture africaine viable, la directrice du laboratoire de génétique écologique de l’université d’Abomey-Calavi au Benin exhorte les ingénieurs agronomes, les chercheurs, les enseignants-chercheurs des universités africaines à « changer leur fusil d’épaule » et à s’interroger si les pratiques culturales, les semences et les pesticides proposés aux paysans africains protègent ou détruisent l’environnement. Ange Baimey lui pense qu’il faire la promotion de l’agriculture familiale « qui nourrit vraiment le monde » – en assurant au moins 70% de la production agricole – et de l’agroécologie « qui est une agriculture durable, qui prend soin de la planète, qui protège des changements climatiques, qui aide à réduire le réchauffement climatique » et de mettre véritablement les paysans au cœur des prises de décision.

Anderson Diédri

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