Rien n’indique que des soldats français quittent Abidjan pour s’installer à Bouaké
Plusieurs publications sur les réseaux sociaux prétendent que les soldats français, anciennement basés au 43ème BIMA de Port-Bouët, ont quitté Abidjan pour s’installer à Bouaké. Les internautes qui commentent ces publications indiquent que la France revient occuper une base qu’elle avait par le passé dans la ville. Cette base est le camp Descartes. En réalité, la France n’a plus occupé de base à Bouaké depuis plus de 18 ans.
« L’ARMÉE FRANÇAISE A QUITTÉ ABIDJAN POUR S’INSTALLER À BOUAKÉ LA DEUXIÈME GRANDE VILLE DE LA CÔTE D’IVOIRE », voici la phrase qui accompagne une image où l’on peut voir un groupe de personnes en uniforme militaire arrêtés devant six aéronefs. Plusieurs comptes et pages Facebook reprennent cette information en boucle (1, 2, 3, 4).
Lorsque nous nous attardons sur les dates auxquelles ces publications ont été faites, nous nous rendons compte qu’elles émergent dans un contexte particulier. Il s’agit de la rétrocession de la base militaire française du 43ème BIMA (Abidjan Port-Bouët) à la Côte d’Ivoire. Cette ancienne base française a été rebaptisée camp Thomas d’Aquin Ouattara du nom du premier chef d’Etat-major de l’armée ivoirienne.
Cette rétrocession du camp ne marque pas la fin de la coopération militaire entre la Côte d’Ivoire et la France. Le ministre ivoirien de la défense (Téné Birahima Ouattara) l’a rappelé sur les antennes de Radio France Internationale (RFI) le 18 février 2025. Quelque 80 militaires français restent sur la base dans le cadre de cette coopération.
Cette coopération militaire est-elle amenée à se poursuivre sous la forme d’une présence militaire permanente de la France à Bouaké ? Dans les discours et les communications autour de la rétrocession du 43ème BIMA, aucun officiel français ou ivoirien n’a annoncé l’installation permanente de l’armée française à Bouaké.
D’où vient donc cette image de soldats français sur un tarmac utilisée pour annoncer l’installation d’une nouvelle base française à Bouaké ? La recherche par image inversée va nous permettre de retrouver l’image virale dans cet article. Elle fait partie d’un portfolio relatif à la coopération militaire entre les forces aériennes de la Côte d’Ivoire et la France.
La photo a été effectivement prise sur la base aérienne de Bouaké. Cependant elle n’est pas récente puisque l’article a été publié le 04 septembre 2024. L’article évoque la visite du GAA Mille alors chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace français en Côte d’Ivoire. Cette note de synthèse hebdomadaire de l’armée française revient en détail sur cette visite.
Le choix de la ville de Bouaké pour vendre une désinformation sur l’armée française n’est pas fortuit. Au-delà de la photo décontextualisée, il est important de rappeler que durant la crise ivoirienne, la France occupait une base militaire à Bouaké.
C’est d’ailleurs à ce camp (camp Descartes de Bouaké, NDLR) que certains internautes font référence dans leurs commentaires. Durant la crise, le camp a été bombardé le 6 novembre 2004 faisant 10 morts dont 9 soldats français et un ressortissant américain.
Pour vérifier si le camp existe toujours et s’il y a une quelconque présence de soldats français, Eburnie Today a sollicité le journaliste François M’Bra II à Bouaké pour une vérification sur le terrain.
« Le camp Descartes n’existe plus ! Sur le site qui était autrefois celui du camp, il y a désormais un centre de formation : il s’agit du Lycée Professionnel Commercial de Bouaké » indique le confrère qui a ramené des photos de l’établissement.

« C’est sur ce site que se dressait également l’ancien Lycée français René Descartes de Bouaké et durant la crise les soldats français y étaient avec le Camp Descartes. Aujourd’hui il y n’a pas de soldats français ici : juste des élèves et le corps enseignant » explique François M’Bra II. Le confrère nous indique qu’une stèle commémorative se dresse à l’entrée de l’école en hommage aux victimes du bombardement du camp Descartes.
Les informations faisant état du redéploiement des soldats français à Bouaké sont trompeuses. Aucune source consultée par Eburnie Today ne confirme ce mouvement de troupe. Cette désinformation intervient au moment où la France a procédé à la rétrocession du 43ème BIMA à la Côte d’Ivoire. Cette étape marque la volonté des deux pays de maintenir leur coopération militaire là où la France a été contrainte de quitter plusieurs pays du Sahel notamment le Mali, le Burkina Faso et le Tchad.
Traoré Bakary