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Sécurité maritime : la charte de Lomé, un bon début

Depuis le 15 octobre 2016, l’Afrique s’est dotée de son premier outil de promotion de la sécurité maritime à l’échelle continentale. Il s’agit de La Charte de Lomé sur la sécurité, la sureté maritime et le développement en Afrique. Une charte très importante dans la mesure où le continent doit résolument se donner les moyens d’assurer sa propre sécurité.

L’Afrique est un continent fort de 54 États souverains dont 38 possèdent une façade maritime. Ces 38 pays participent au transport maritime mondiale mais à une très faible proportion soit 1,2% avec seulement 0,9% du tonnage brut. Les ports africains gèrent 6% du trafic mondial des cargos et environ 3% du trafic maritime en conteneurs. Malgré ces chiffres qui pourraient laisser croire que l’Afrique ne participe pas assez au trafic maritime mondial, il est important de souligner que les ports africains jouent un rôle important dans la croissance du continent et surtout la facilitation du transport maritime. Les ports africains en pleine expansion et modernisation assurent 90% des importations et exportations. La mer représente donc un canal d’échange important pour l’Afrique et la sécuriser est un véritable impératif non pas seulement pour les pays côtiers mais aussi pour ceux de l’hinterland.

En effet, à la faiblesse du trafic maritime le long des côtes africaines s’ajoute des menaces qui occasionnent chaque année d’importante pertes. Ces menaces sont notamment la pêche illicite, le trafic de drogue, l’omniprésence de la corruption, l’immigration clandestine, les vols à main armée et la piraterie maritime. Concernant ce dernier fléau, il est important de noter qu’aucun continent n’est épargné. En 2015, 246 incidents ont été rapportés dans le monde par le Piracy Report Centre (PRC) du Bureau maritime international (BMI), soit un de plus qu’en 2014. Le nombre de navires abordés a augmenté en 2015 (203, +11 %), mais les détournements ont diminué de 29 %, soient 15 unités de moins contrôlées par les pirates. Un navire a essuyé des tirs, tandis que 27 attaques ont été déjouées. 271 marins ont été pris en otage sur leur bateau, contre 442 en 2014. Dix-neuf membres d’équipages ont été enlevés contre rançon en 2015, 14 ont été blessés et un a trouvé la mort. Les vraquiers (87) ont rejoint les pétroliers et chimiquiers (86) au rang des navires les plus attaqués, devant les porte-conteneurs (30).

L’Afrique exposée à la piraterie maritime

L’Afrique est particulièrement exposée à la piraterie maritime au niveau du golfe d’Aden et du golfe de Guinée a fait remarquer le président tchadien Idriss Déby lors du Sommet extraordinaire de Lomé sur la sécurité maritime. Au moins 205 attaques de navires ont été enregistrées dans le Golfe de Guinée de 2005 à mai 2015. 54 marins ont été pris en otage sur leur bateau au Ghana et au Nigeria. Sur l’ensemble d’une zone allant de la Guinée au nord à l’Angola au sud (14 États côtiers), 28 attaques ont été enregistrées, contre 39 en 2014 (- 28 %), dont la moitié dans les eaux nigérianes. Dans le golfe d’Aden notamment les abords de la Somalie, les actes de piraterie sont en baisse selon Risk Intelligence. Cependant la menace reste toujours présente et l’organisme Danois rappelle qu’au 31 décembre (2015), les pirates somaliens détenaient toujours 29 marins contre rançon.

« La piraterie maritime fait croître le coût des transports internationaux mais elle a également des répercussions considérables sur le développement en Afrique » fait remarquer Alain Michel Luvambano, secrétaire général de l’Organisation maritime de l’Afrique de l’ouest et du centre (OMAOC).

En effet, les fruits de la piraterie sont écoulés sur le marché noir occasionnant des pertes financières importantes pour les pays africains dont les économies restent fortement tributaires de l’exportation de matières premières brutes. Il y a donc une véritable urgence : améliorer le climat sécuritaire dans les eaux africaines d’où l’adoption de La Charte de Lomé sur la sécurité, la sureté maritime et le développement en Afrique. Forte de 7 chapitres et 55 articles, la Charte propose des pistes de solutions aux challenges sécuritaires auxquels l’Afrique fait face dans ses eaux. La charte souligne surtout que pour les questions de piraterie maritime, de trafic de drogue, d’armes et d’êtres humains sans oublier la pêche illicite le long des côtes africaines ; l’unique solution demeure la coopération au niveau judiciaire et sécuritaire. Selon Olivier D’Auzon, juriste-consultant et spécialiste des questions maritimes, « le manque de collaboration militaire et l’absence de mécanisme d’échange d’information » plombent les efforts de lutte contre la piraterie maritime et les trafics illicite de tout genre. Au-delà de la coopération, la charte met en évidence la question du financement de la sécurisation des côtes africaines.

L’Afrique doit financer sa propre sécurité en mer

L’Afrique ne peut plus – et ne doit plus – restée tributaire de l’aide étrangère pour assurer la sécurité dans ses eaux. Sur cette question de la souveraineté des pays africains au plan sécuritaire, La Charte de Lomé doit contraindre les Etats signataires à « créer un fonds de sécurité et de sûreté maritimes » mais aussi faciliter le partage et « l’accès aux informations« . La sécurité des eaux africaines ne peut continuer d’être assurée par les pays développés qui sont avant tout en mer pour protéger leurs intérêts et la vie de leurs ressortissants.

« Si l’Afrique développe son économie maritime, elle parviendra plus facilement à financer sa propre sécurité » a indiqué Bathelemy Blédé, chercheur en sécurité maritime à l’Institute for Security Studies (ISS) basé à Abidjan.

En effet, le manque de financement reste un problème auquel les pays africains sont régulièrement confrontés pour la mise en œuvre de leurs projets de défense. Il est grand temps que l’Afrique finance son propre mécanisme de sécurité en mer. Cela permettra non seulement aux pays africains de réaffirmer leur souveraineté mais aussi de tirer un dividende plus important dans des secteurs clés comme le transport maritime ou la pêche industrielle. Il s’agit là de secteurs économiques qui sont encore dominés par des intérêts internationaux. Le sommet extraordinaire de l’Union Africaine sur la sécurité maritime de Lomé (Togo) a permis aux pays africains d’avoir une charte mais reste à faire de cette charte un outil qui donne des résultats concrets sur le terrain. « Ce Sommet est un grand pas » mais il ne doit pas être le dernier car « il reste beaucoup de travail à faire » pour améliorer la sécurité des eaux africaines a tenu à rappeler Timothy Walker, expert maritime pour Institute for Security Studies (ISS).

SUY Kahofi

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