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Spectre d’une année blanche à l’université de Cocody

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Après la grève d’un professeur à l’Université de Korhogo, c’est au tour de l’Université Félix Houphouët Boigny d’entrer dans la danse.

Un matelas d’une place installé à même le sol sert de couchette à Timité Bema Karamoko, Coordonnateur national du Réseau des étudiants de Sciences Po de Côte d’Ivoire (RESPO-CI). Installé devant l’administration de la Faculté de droit de l’Université Félix Houphouët Boigny de Cocody (UFHB), sous les regards curieux d’autres étudiants qui déchiffrent la liste des doléances inscrites sur des feuilles qui l’entourent avec des bouquins et une bouteille d’eau minérale.

Cet étudiant en DEA de Sciences politiques, option diplomatie et relations internationales, a entamé une grève de la faim depuis ce lundi matin, 10 juillet. Avec une certaine sérénité, dans son complet jogging bleu, il égrène quelques 14 revendications qui l’ont amené à mener cette action de protestation.

Dans le courrier qu’il tient en main adressé au Président de l’UFHB, on peut lire que les « problèmes auxquels sont confrontés les étudiants de Sciences Po vous ont été déjà signifiés par courrier en date du 5 décembre 2016. Jusqu’à ce jour, rien n’a changé, au contraire, la situation s’empire ». Les étudiants, dont il se fait le porte-parole, se disent « désemparés, et voyant leur avenir hypothéqué ».

C’est fort de cette absence de réponse des autorités de l’université à leurs requêtes que le Coordinateur du RESPO-CI a pris sur lui, au nom des camarades étudiants de son département, « d’observer cette grève de la faim jusqu’à la satisfaction totale de toutes leurs revendications ».

« Je suis couché depuis 7 heures pour dénoncer ces pratiques non conformes à l’éducation et à la ligne de l’enseignement supérieur prôné par le président de la république ».

En effet, déplore notre interlocuteur, « depuis 10 mois, voire presqu’un an, aucun cours ne se fait de façon fluide au département de science politique de l’Université de Cocody. Les montants d’inscriptions sont exorbitants, et à la fin des années académiques, les étudiants ne voient pas leurs résultats. Même pour s’inscrire, on a des problèmes ».

A travers cette grève de la faim, Karamoko ne demande qu’une seule chose : « je souhaite que le département de Science politique soit un département normal comme les autres départements de l’Université (…) Nous n’avons pas les moyens d’aller étudier à l’étranger, nous voulons être diplômés de science politique en Côte d’Ivoire ».

Malgré tout, le Coordinateur du RESPO-CI se dit « optimiste » quand à l’issue de cette action pacifique : « il y aura un département autonome de science politique en Côte d’Ivoire ». Il compte déjà aller élire son campement devant la présidence de l’Université s’il n’a pas de suite des autorités universitaires.

D’ailleurs, nous n’avons pu joindre les autorités académiques durant cette journée pour avoir leur version des faits. Le bureau du Secrétaire principal de la faculté de Droit était fermé et il était injoignable sur son numéro, ainsi que le chargé de Communication du ministère de l’Enseignement Supérieur. Même constat, quand nous avons voulu joindre un ou deux professeurs du département.

Le calvaire des étudiants

Traoré Soualio, Secrétaire à l’organisation du RESPO-CI, lui, relève les dysfonctionnements au département de Sciences politiques. Il nous informe de prime abord que cette journée était une journée de composition.

« Le problème c’est que les étudiants n’avaient ni l’heure, ni la matière dans laquelle ils allaient composer », se désole-t-il.

C’est devant la porte d’une salle vide et close où est inscrit « département de science politique » que nous poursuivrons cette discussion. Vu ces dysfonctionnements, les étudiants qui avaient prévu de « boycotter » ces épreuves sont rentrés chez eux, explique Soualio, inscrit en Licence 3 de Sciences politiques. Pour lui, le spectre de l’année blanche guette, vu la situation.

« En Master 2, ils n’ont pas d’encadreurs », ajoute-il pour étayer ses craintes. Sans oublier d’ajouter que les cours coûtent 400.000 FCFA pour les étudiants professionnels et 300.000 FCFA pour les étudiants simples. Malgré ces coûts auxquels il faut ajouter les 50.000 FCFA de frais d’inscription pédagogique, « les étudiants ne voient pas leurs résultats » de fin d’année, relate-t-il avec déception.

Si son Coordonnateur n’a pas voulu entrer dans le détail des conflits entre enseignants qui seraient l’une des raisons de ces dysfonctionnements, Soualio explique pour sa part que le Doyen du Département de Sciences politiques, Meledje Djedjro, y est pour quelque chose. Il nous a fait part des menaces que ce dernier aurait proférées aux étudiants pour les dissuader de se mettre en grève.

C’est d’ailleurs pour ne pas exposer tous les étudiants à ces menaces de renvoi ou d’interdiction de composer, que Karamoko a pris sur lui de mener seul, cette grève de la faim, nous-a-t-il confié.

Né en 2002 au sein de la Faculté de droit de l’UFHB de Cocody en tant que filière, c’est en 2014 qu’il devient le département de sciences politiques. Il compte à ce jour, selon le Coordonnateur de RESPO-CI, environ 200 étudiants. Certains ont préféré abandonner cette filière à cause des difficultés qui y prévalent, nous a fait savoir, le Coordonnateur du RESPO-CI encore bien couché sur son matelas quand nous quittions l’Université.

Alain Ahimou

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