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Le dialogue : seule solution de sortie de crise en Côte d’Ivoire

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Le dialogue reste difficile entre le pouvoir et l’opposition après un processus électoral pour la présidentiel émaillé de violences en Côte d’Ivoire. Ces violences signalées à Abidjan et dans plusieurs autres villes du pays ont fait 85 morts depuis le mois d’août. Le dialogue peine à s’instaurer entre les principaux protagonistes mais il reste la seule solution de sortie de crise.

Ici repose Toussaint N’Guessan Koffi, arraché à sa famille à l’âge de 34 ans. Son nom est devenu le symbole de la violence meurtrière qui s’est emparée de la Côte d’Ivoire lors de l’élection présidentielle d’octobre 2020. Le jeune homme a été tué et décapité lors des affrontements entre pro et anti-3ème mandat dans la ville de Daoukro. L’image de sa mort a provoqué une vague d’indignation dans toute la Côte d’Ivoire. Dans une vidéo largement relayée sur internet, l’un de ses assassins s’est donné le loisir macabre de jouer au football avec la tête de Toussaint N’Guessan Koffi fraîchement arraché à son corps.

« Mon fils a perdu la vie dans les manifestations anti-Ouattara. Il a voulu lutter pour son pays, sa mort me choque, je mourrai sans oublier », a déclaré Édouard Kouakou Koffi, le père de Toussaint quelques instants avant son inhumation le samedi 21 novembre à Daoukro. Dans cette ville du centre de la Côte d’Ivoire, les affrontements intercommunautaires liés à la réélection pour un troisième mandat controversé du président Alassane Ouattara avaient fait six morts et 41 blessés. La ville, qui est le fief de l’ex-président Henri Konan Bédié n’est pas la seule à avoir connu des violences meurtrières. Les troubles liés à l’élection présidentielle du 31 octobre ont fait au moins 85 morts et près de 500 blessés depuis août selon un bilan officiel.

Le spectre de la crise de 2011

« Sincèrement à un moment donné je me suis dis que la Côte d’Ivoire allait revivre la situation de crise de 2011. La peur s’est installée et s’est accentuée avec les annonces de réfugiés ivoiriens qui étaient déjà signalés dans certains pays voisins » témoigne Solange Aka, enseignante du primaire dans le privé. Cette peur dont parle Solange n’a pas disparu. « On vaque à nos occupations la journée et la nuit chacun est chez lui. Tout le monde à peur de sortir de peur de se faire agresser » nous indique Yohou Patrice, frigoriste à Yopougon (Abidjan sud). Cette commune connue pour sa vie nocturne avec ses maquis, bars et gargotes « dort » dès la tombée de la nuit. « C’est un silence qui fait peur » précise Patrice. Les ivoiriens aspirent à un retour à la normale dans un contexte socio-politique encore tendu où dans chaque ville du pays marquée par les violences on enterre un parent ou un ami. Les regards sont désormais tournés vers les principaux acteurs de la scène politique. L’espoir que le peuple nourrit c’est que le dialogue soit renoué entre Alassane Ouattara et le président du Conseil national de la transition (CNT), Henri Konan Bédié.

Le dialogue reste difficile entre le pouvoir et l’opposition (photo DR-Facebook)

Le dialogue – l’arme des forts comme le rappelait feu Félix Houphouët Boigny devant le corps diplomatique le 1er janvier 1970 – a pourtant été appelé et rejeté selon les circonstances rappelle le journaliste et activiste Franck Toti. A Bouaké, c’était Alassane Ouattara qui en premier rejetait l’offre de dialogue de l’opposition. « J’entends çà et là des gens dire qu’il faut un dialogue, un dialogue pour faire quoi ? », s’est-il interrogé le 16 Octobre dernier lors d’un meeting. Le 10 novembre lors d’un discours télévisé, le ton avait radicalement changé. Mr Ouattara a « réaffirmé sa disponibilité pour un dialogue sincère et constructif avec l’opposition dans le respect de l’ordre constitutionnel ». Si le président Henri Konan Bédié s’est prêté à une rencontre médiatisée, possible porte ouverte sur un dialogue, les derniers développements montrent que la véritable avancée tient simplement à la symbolique de l’image.

Des blocages liés au sort des opposants

Pour rappel, Pascal Affi N’Guessan le président du FPI, Pr Maurice Kakou Guikahué le secrétaire général du PDCI ou encore les sénateurs Bassy Koffi Bernard et Sery Bi N’guessan sont toujours en détention. Pour l’opposition pas de dialogue alors que les prisons sont encore pleines d’opposant et de manifestants. « J’ai suspendu ce dialogue jusqu’à ce que nos frères soient libérés. Et aussi jusqu’à ce que ceux qui ont été forcés de fuir à l’étrangers, opèrent un retour sécurisé chez nous. Et ce sont là des préalables non-négociables » a déclaré Henri Konan Bédié le vendredi 20 novembre lors d’une rencontre avec les chef traditionnels Atchan en sa résidence à Abidjan-Cocody. Des « préalables non-négociables » qui sonnent comme un nouveau statut-quo, de quoi replonger les ivoiriens dans l’inquiétude or « la seule alternative qui s’offre aux acteurs politiques [pour une sortie de crise durable] est celle du dialogue » soutient Fahiraman Rodrigue Koné. Le sociologue et analyste politique indique qu’il n’y a pas deux solutions pour la Côte d’Ivoire et quelque soit les positions il y aura toujours des passerelles pouvant conduire à des compromis.

Quelle forme prendra in fine ces compromis pour une sortie de crise durable ? Entre gouvernement d’union, reprise des élections, loi d’amnistie totale permettant le retour de tous les exilés y compris le président Laurent Gbagbo et l’ex chef rebelle Guillaume Soro ; chacun avance ses hypothèses.

Ebony T. Christian, Anderson Diédri & Traoré Bakary

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