2017 LE RECAP : que retenir de l’année au niveau politique en Côte d’Ivoire ?
Que faut-il retenir de l’année 2017 au niveau politique ? Eburnie Today a sélectionné quelques faits majeurs qui ont marqué l’actualité. Mutineries à répétition, remaniement du gouvernement, procès à la CPI, etc. Passage en revue d’une année politique bouleversante.
Si l’année 2017 s’achève dans une atmosphère moins mouvementée, il n’en demeure pas moins qu’elle a commencé par une ébouriffante cavalcade. De manière totalement surprenante, les ivoiriens se réveillent sous les tirs nourris au lendemain de la fête du nouvel an. Dans la nuit du 5 au 6 janvier 2017, les militaires envahissent les rues de la ville de Bouaké, épicentre de la contestation. Leur mouvement se généralise aussitôt à plusieurs villes du pays. 8400 soldats issus de l’ex-rébellion réclament des primes dont le montant est estimé à 12 millions de francs Cfa pour chacun.
Jackpot pour les mutins
Vu la gravité de la situation, le chef de l’Etat est obligé de monter au créneau pour désamorcer cet imbroglio à l’issue imprévisible. A son retour du Ghana ce samedi 7 janvier, il fait une allocution retransmise en direct à la télévision lors d’un conseil des ministres extraordinaire : « Je confirme mon accord pour la prise en charge des revendications relatives aux primes et à l’amélioration des conditions de vie et de travail des soldats ». Un accord qui a par ailleurs radicaliser le mouvement de grève généralisée des fonctionnaires qui a duré trois semaines et paralysé le pays en janvier faute d’une oreille bienveillante, ces derniers évoquant du deux poids deux mesures. Fragilisé par les soldats, le président Ouattara cède mais il n’en est pas moins en colère : « Je voudrais redire que cette manière de revendiquer n’est pas appropriée ».
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Malgré les assurances du locataire du palais présidentiel et la poursuite des pourparlers, la mutinerie persiste – les Forces spéciales basées à Adiaké rentrent même dans la danse en février. C’est finalement le 15 mai, à l’issue d’une journée aussi mouvementée qu’agitée qu’un accord est trouvé pour mettre fin à cette mutinerie qui a fait plusieurs morts. Jackpot pour les mutins qui ont commencé à percevoir cet argent dès janvier. Mais après avoir entretenu le flou, le gouvernement a finalement confirmé le deal financier de 12 millions passé entre les soldats et le camp Ouattara. Le 15 juin, le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly admet officiellement pour la première que « la mutinerie était une question uniquement financière, que nous avons eu à faire face aux 10 millions de francs Cfa. Il y a deux millions qui restent à payer et que ces deux millions seront payés ce mois-ci ».
Mais l’agenda politique de ce début est particulièrement atypique. Alassane Ouattara limoge les chefs de l’armée le 9 janvier, 72 heures après le déclenchement de la mutinerie. Soumaila Bakayoko (chef d’Etat-major des armées), Gervais Kouakou Kouassi (commandant supérieur de la gendarmerie) et Brédou M’bia (directeur général de la police) sont aussitôt remplacés. Ce même jour, le gouvernement Daniel Kablan Duncan démissionne et Guillaume Soro – soupçonné de tirer les ficelles de la mutinerie parce qu’il n’avait pas les faveurs de l’Exécutif pour rempiler – est largement réélu président de l’Assemblée nationale avec 95% des suffrages.
Le 10 janvier, le président Ouattara s’adresse au parlement et annonce la nomination de l’ancien Premier ministre Daniel Kablan Duncan au poste de vice-président, une fonction instituée par la nouvelle constitution de novembre 2016. Il est remplacé ce même jour par Amadou Gon Coulibaly. Le lendemain 11 janvier, le nouveau Premier ministre forme son gouvernement. Les derniers caciques – Dosso Moussa, Louis-André Dacoury-Tabley et Affoussiata Bamba-Lamine – qui ont fait chemin avec Guillaume Soro depuis le début de la rébellion de 2002 sont débarqués. En juillet, Hamed Bakayoko passe du ministère de l’intérieur à la défense.
« L’armurier » Soro
Mais le soulèvement des militaires va faire une grosse victime. Lors de la mutinerie de mai, six tonnes d’armes de guerre et de munitions sont découvertes à Bouaké au domicile de Souleymane Kamagaté dit Soul To Soul, chef de protocole de Guillaume Soro. Après plusieurs auditions, ce proche et fidèle du président de l’Assemblée nationale est arrêté le 9 octobre et séjourne à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (MACA). Acculé en interne, celui que Jeune Afrique a qualifié « d’armurier » – une réponse à l’hebdomadaire panafricain sur sa page Facebook à ce qu’il a qualifié « d’insulte » à Soro a valu le limogeage en juin d’Alphonse Soro de son poste de conseiller du Premier ministre – le chef du perchoir va souffler à l’international.
Après plus de deux mois passés à l’extérieur – cette longue absence a été beaucoup critiquée et alimentée le débat politique dans un contexte où les médias répétaient invariablement que les relations entre Ouattara et Soro s’étaient fortement détériorées – l’ancien chef de la rébellion a tenté subrepticement de balayer toutes les conjectures à son retour à Abidjan le 22 octobre : « En ce qui concerne mes relations avec le président de le république, je peux vous assurer qu’elles sont bonnes (…) Dans les prochains jours, avec beaucoup d’humilité, j’irai rencontrer le président de la république pour parler avec lui ». Soro a-t-il ainsi forcé la main à Ouattara ? Il est reçu en audience par le 3 novembre par le chef de l’Etat.
S’il reçoit beaucoup de coups, le président de l’Assemblée – même s’il a lancé une plateforme intitulée ‘’Droit dans les yeux’’ sur sa page Facebook qui a diffusé des vidéos dans lesquelles plusieurs de ses proches limogés de l’administration relatent leur mésaventure – préfère officiellement jouer les apôtres de la paix et de la réconciliation, son leitmotiv depuis plusieurs mois. Il a même annoncé en juillet qu’il ira « demander pardon » à Laurent Gbagbo. L’ancien président jugé depuis le 28 janvier 2016 à la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes contre l’humanité a encore reste incontestablement au cœur du débat politique nationale puisque son parti fait de sa libération une priorité.
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Gbagbo : l’espoir d’une libération
La question de sa libération divise aussi les juges à la Haye où se déroule son procès conjoint avec Charles Blé Goudé. Le 19 juillet, la chambre d’appel avait estimé que la chambre de première instance avait commis des « erreurs » en refusant la liberté provisoire à Gbagbo dans sa décision rendue le 10 mars 2017 et a ordonné aux juges de procéder à un nouvel examen. Si cette évolution a suscité l’espoir du camp Gbagbo, les juges ont décidé en septembre de maintenir l’ancien président en détention, même si le juge président Cuno Tarfusser a émis une opinion dissidente, marquant son désaccord avec ses deux autres collègues.
Les responsables sécuritaires au moment de la crise post-électorale ont également défilé dans le prétoire de la CPI pour livrer leurs versions de faits. Il s’agit notamment de Bredou M’Bia (directeur général de la police), Edouard Tiapé Kassaraté (commandant supérieur de la gendarmerie) et de Philippe Mangou (chef d’Etat-major des armées). Ce dernier, dont le témoignage était très attendu, a dans son intervention fin septembre-début octobre accusé Bredou et Kassaraté de n’avoir pas joué « franc-jeu » parce qu’ils n’ont pas fourni les hommes nécessaires pour les missions de sécurisation pendant la crise. Le général Philippe Mangou s’est particulièrement attaqué au général Brunot Dogbo Blé, estimant que ce dernier s’est vu « pousser des ailes » quand il a été nommé commandant militaire du palais présidentiel, avant d’énoncer qu’il rendait compte à la fois à Gbagbo et au ministre de la défense.
Des surprises au FPI, PDCI, RDR
L’année 2017 a été marquée par des surprises. Tout comme l’acquittement le 28 mars de Simone Gbagbo lors de son procès aux assises – même si elle reste jusque-là en prison parce qu’elle a été condamnée à 20 ans en 2015, l’annonce de la présidente du Rassemblement des républicains (Henriette Dagri Diabaté) et de la Secrétaire générale (Kandia Camara) par Alassane Ouattara à l’issue de 3ème congrès ordinaire du parti le 10 septembre a dérouté mille et une personnes d’autant que l’opinion s’attendait à ce que le chef de l’Etat reprenne la tête du parti.
Au Front populaire ivoirien (FPI), frappé par une crise sans précédent qui divise le parti depuis 2014, l’idée d’une réconciliation fait son chemin depuis plusieurs mois. L’ancien ministre Justin Koné Katinan, porte-parole de Gbagbo, avait estimé en novembre que « c’est la seule option » qui reste au FPI. Mais l’unité peine véritablement à se concrétiser, les deux camps (Affi N’Guessan et Abou Dramane Sangaré) continuant de s’arcbouter à leur position. Le PDCI s’accroche à son souhait d’avoir un candidat issu de ses rangs pour les élections présidentielles de 2020, alors que Ouattara a relancé la question du parti unifié le 31 octobre lors d’une rencontre avec Henri Konan Bédié. Le vieux parti a aussi dû faire contre mauvaise fortune bon cœur après le limogeage de Gnamien N’Goran de son poste d’Inspecteur général d’Etat et Jean-Louis Billon de la présidence du Conseil régional du Hambol.
Au-delà de Laurent Gbagbo dont le procès est très médiatisé, un homme a particulièrement marqué l’actualité en Côte d’Ivoire : Guillaume Soro. Ses silences étaient minutieusement épiés et ses sortis publiques largement commentés par les médias et sur les réseaux sociaux. Le président de l’Assemblée nationale qui officiellement préfère se consacrer à son mandat au parlement mais dont les proches ont en même temps lancé en juillet un mouvement politique pour le soutenir – l’Union des Soroïstes – serait-il en marche pour 2020 ?
Anderson Diédri