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8ème Jeux de la francophonie : entre succès, joie et déception

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Si l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) s’est réjouie des « grandioses » 8èmes jeux d’Abidjan, les participants, eux, ont connu des fortunes diverses.

53 Etats et gouvernements présents, 3 500 participants dont 2 500 concurrents, 8 chefs d’Etat présents à la cérémonie d’ouverture, 900 journalistes accrédités dont 300 internationaux, 353 médailles remises dont 105 en or… Pour les organisateurs des 8èmes Jeux de la francophonie qui se sont déroulés du 21 au 30 juillet 2017 à Abidjan en Côte d’Ivoire, cette compétition sportive et culturelle a été un véritable succès. « Abidjan a offert des jeux grandioses », s’est réjouie à la cérémonie de clôture la marocaine Latifa Moftaqir, présidente du conseil d’orientation du Comité international des jeux de la francophonie (CIJF).

« Ce que la Côte d’Ivoire a offert a dépassé de loin toutes nos espérances », ajoute-t-elle. Saleh Mahamat Alhadi, membre de l’encadrement technique de la délégation tchadienne exprime également sa satisfaction au niveau de l’organisation de ces jeux qui ont vu la France arriver en tête avec 49 médailles dont 22 en or, suivie du Maroc (42 médailles), du Canada (36 médailles), du Sénégal (27 médailles dont 10 en or), de la Roumanie (31 médailles dont 8 en or), la Côte d’Ivoire, qui a abrité ces jeux, se classe 6ème avec 19 médailles dont 6 en or : « l’organisation a été très bien réussie. La Côte d’Ivoire a tenu le pari. Cela montre aussi la maturité de nous autres pays africains à organiser certaines compétitions d’envergure ».

Sa déception ? La contre-performance de son pays. Si le Tchad a occupé le 8ème rang – sur 54 délégations – avec 10 médailles dont 4 en or aux jeux de Nice (France) en 2013, le pays est relégué cette année à la 26ème place avec seulement trois médailles : une en bronze en développement durable et deux en argent en lutte africaine. Dans cette dernière discipline, Maurice Abatam, médaillé d’or dans la catégorie des 120 Kg à Nice, a été disqualifié.

« Notre fausse note, le champion en titre en lutte traditionnelle n’a pas pu participer à la compétition. Il a été disqualifié à cause d’un petit gramme [supplémentaire, ndlr] lors de la pesée. Sinon, s’il avait été dans l’arène, l’or retournera toujours au pays », exprime Saleh Mahamat Alhadi.

Ce journaliste, attaché de presse au ministère tchadien de la jeunesse, des sports et des loisirs, plaide pour des changements au niveau de l’organisation des compétitions : « il faut que le CIJF essaie de revoir le critère de désignation de certains membres du jury puisque certains de nos pays africains n’ont même pas un membre dans un jury quelconque. Et il faut que cela change aussi. Il faut que tous les pays aient au moins un membre dans un jury quelconque ».

Des médailles et quelques regrets pour certains athlètes

Des visiteurs au profil différent

Pour ceux jeux, 3 000 bénévoles ont été mobilisés. Hervé fait de ceux-ci. Il était durant ces 10 jours au village Akwaba à l’Institut national de la jeunesse et des sports (INJS) de Marcory, site d’hébergement des participants. Ses camarades et lui assistaient les membres de la délégation française logés au bâtiment H14. Il se rappelle d’une scène où ils avaient été sollicités. « On a trouvé des supports pour la délégation française sur lesquels ils ont déposé des congélateurs », se souvient-il. « Les soirs, ils sortent, on s’assoie, on cause ensemble : c’est la chaleur ivoirienne », poursuit-il. Chaleur française aussi !

Chanson, danse, conte, marionnettes géantes, jonglerie, lutte africaine, judo, basketball, football, athlétisme… Les 8èmes Jeux de la francophonie, auxquels étaient attendus 500 000 spectateurs, a relativement drainé du beau monde sur les différents sites qui accueillaient les compétitions. Jusqu’à la clôture de l’événement.

Dans l’après-midi du samedi 29 juillet, alors qu’aucune compétition n’est programmée au palais de la culture de Treichville – les seules prévues ce jour-là sont la finale du basketball féminin et le match pour la troisième place ainsi que la lutte africaine se déroulent au parc des sports, les visiteurs continuaient d’affluer. Aminata arrive pour la troisième fois depuis l’ouverture des jeux.

« Les danses, les masques traditionnels, ça me fait beaucoup plaisir. Et quand je vois les enfants de 5 ans chanter, je suis contente », explique-t-elle, alors qu’elle vient de franchir le point de contrôle des agents de sécurité à l’entrée du palais de la culture. Ce n’est pas encore le cas pour Kébé Oumar, qui jusqu’à 18 heures, patiente dans le rang avec sa femme et ses enfants.

« C’est la première fois. Je n’ai pas eu le temps de venir sur les sites de jeux jusque-là. Je suis là avec toute la famille parce qu’on dit qu’il y a des jeux pour les enfants », déclare-t-il, heureux d’être là. Madame Zida, par contre, a fini sa visite et retourne chez elle : « je suis là par rapport à mon état de santé », lance-t-elle brièvement.

Justement, parmi les nombreux exposants au palais de la culture, on trouve un peu de tout : restauration, habillement… et aussi des produits pour la santé. Traoré Zani, tradi-praticien, est venu du Burkina-Faso et tient depuis le 18 juillet son stand. Ce n’est pas sa première exposition en Côte d’Ivoire et dit avoir été invité grâce à la qualité de ses produits dont les prix varient entre 1 000 francs Cfa et 6 000 francs Cfa. Son stand lui a coûté 330 000 francs Cfa.

Il regrette d’ailleurs le manque d’affluence : « Côté visiteurs, il n’y a pas d’affluence comme on le pensait. Parce que quand on dit francophonie, on s’attendait à avoir du monde. Mais vous-même vous constatez qu’il n’y a pas d’affluence. Les stands nous ont coûté chers et on n’arrive même pas à rentrer dans nos fonds ». Pour les prochaines éditions, il préconise plus de publicité autour des activités économiques qui accompagnent les jeux.

Timide engouement dans les restaurants

Face à face entre Michaëlle Jean et les restauratrices du village des partenaires

A l’instar de Traoré Zani, les restaurateurs et restauratrices déplorent le manque d’engouement. Elisabeth Amon souligne que les organisateurs leur avaient promis près de 5 000 visiteurs par jour. A l’arrivée, c’est plutôt timide. Ces femmes ont dû manifester pour exprimer leur mécontentement. Finalement, les 708 000 francs Cfa déboursés par chacune d’elles pour obtenir un stand ont été remboursés. Mais après avoir investi plus de 2,3 millions francs Cfa et mobilisé 15 personnes pour tenir son restaurant, cette vendeuse de poissons braisés et de plats ivoiriens estime que ce remboursement reste insuffisant.

« Ce n’est pas le nombre de visiteurs qu’on attendait. On a perdu. Si on pouvait faire quelque chose pour rembourser nos dépenses, ça va nous faire plaisir », espère-t-elle.

Elisabeth Amon dit ne pas comprendre que le MASA (Marché des arts et du spectacle africain) draine plus de monde que les Jeux de la francophonie : « c’est pourtant un événement plus grand que le MASA ». Quand on demande à Madame Koné, la présidente de ces restauratrices, si elle sera en mesure de rentrer dans ses fonds investis, sa réponse est « non » car ce n’est pas l’affluence souhaitée.

Mais il faut aussi préciser que les délégations venues de l’extérieur avaient à leur disposition des restaurants dédiés et services-traiteurs. Les principaux visiteurs des stands de restauration étaient les personnes résidant en Côte d’Ivoire, déjà habituées aux mets proposés dans leurs différentes communes.

Il n’y avait pas que des commerçants. On pouvait aussi retrouver des institutions comme le Conseil de l’Entente (organisation ouest-africaine de coopération qui regroupe la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Burkina-Faso, le Niger et le Togo et dont le siège est basé à Abidjan), venu faire la promotion de leurs activités.

« Nous nous inscrivons dans la charte des jeux de la francophonie qui parle d’entente, de cohésion et de vivre ensemble et nous sommes aussi là surtout pour vulgariser nos actions de développement, les grands chantiers réalisés et en attente », explique Richard Assemien, conseiller en communication au Conseil de l’Entente.

Parmi les projets à venir, la construction au Plateau de la ‘’Tour Entente’’ qui servira de nouveau siège de l’institution et sera également mis à la disposition des opérateurs économiques notamment. La livraison de l’ouvrage de 25 étages est prévue en 2019. Les prochains Jeux de la francophonie auront lieu en 2021 au Nouveau-Brunswick au Canada.

Anderson Diédri

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