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Baisse des cautions : les ivoiriens pessimistes

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Les cautions et avances de loyers vont-elles effectivement baisser ? L’Assemblée Nationale vient d’adopter un projet de loi qui fait déjà grogner les propriétaires de constructions dédiées à la location. Les populations restent sceptiques quant au respect effectif de cette mesure qui doit être adoptée par le Parlement Ivoirien.

Le mercredi 12 juillet 2017, le gouvernement ivoirien annonçait – au terme d’un conseil des ministres – un projet de loi relatif au bail à usage d’habitation.

« Ce dispositif a pour objectif de réguler au mieux les rapports entre le bailleur et le locataire. D’encadrer durablement les montants des loyers et de simplifier et de sécuriser la location et surtout de rééquilibrer le coût de la location de logement », a expliqué Bruno Koné, porte-parole du Gouvernement.

Ce projet de loi vient d’être adopté par l’Assemblée Nationale. Voici une décision qui est une réponse concrète à l’une des plus importantes préoccupations de la population ivoirienne puisque la loi plafonne désormais les avances pour la location d’une maison.

La loi « encadre strictement le paiement de loyers d’avance ainsi que la garantie locative (caution) désormais limitée à deux mois de loyers. Aussi, le paiement de sommes autres que celles prévues par la présente loi constitue une infraction fiscale et sanctionnée en tant que telle » a tenu à rappeler le Ministre de la Communication, de la Poste et de l’Economie numérique.

Les ivoiriens qui se heurtaient aux exigences ardues des propriétaires de maisons, qui réclament souvent 7 à 10 mois de caution, dans leur quête de logis se sont à moult reprises plaints de la passivité de l’Etat face à cette surenchère. Alors que le gouvernement vole au secours des populations par un projet de loi permettant de réglementer le milieu du logement, les ivoiriens semblent septiques.

Projet de loi un peu ambiguë

Le sociologue Fulbert Yao, enseignant à l’université Felix Houphouët Boigny de Cocody s’interroge au sujet de ce projet de loi « un peu complexe », selon lui.

« Mais comment suivre et faire respecter cette disposition ? De plus, Si la mesure ne concerne que la caution, qu’en est-il de l’avance sur consommation du loyer exigée par les propriétaires de maison ? Car, Si la mesure ne concerne que la caution, si cette mesure est appliquée, l’avance sur consommation restera élevée. Dans ce cas, on se serait fourvoyé en prenant une telle mesure », s’inquiète-t-il sur sa page Facebook.

Ayant du mal à comprendre clairement ce projet de loi, l’universitaire se permet une interprétation.

« Et dans le cas où l’on devrait comprendre de deux mois de caution et de deux mois d’avance, il se pose toujours la même question : quelle est la disposition qui est prise pour faire respecter une telle mesure et quelle est sa date d’effet ? ».

Loin d’être rassurés par cette décision plutôt salutaire, les ivoiriens doutent déjà que cette loi puisse réellement s’appliquer. Comme Saint-Thomas, ils attendent de voir la mise en œuvre concrète de cette loi sur le terrain avant d’y croire.

« J’attends de voir comment l’Etat va assurer l’exécution de cette mesure qui s’ajoute aux nombreuses déjà prises et qu’il a de la peine à faire respecter », affirme Bamba Ladji, professeur d’université.

Il certes vrai que de nombreux décrets peinent à être appliqué sur le terrain mais pour le juriste Ben Diarrassouba, l’Etat, en tant que détenteur de prérogatives de la puissance publique, peut réglementer n’importe quel secteur d’activités, y compris celui du logement. En d’autres termes, si le Gouvernement peut se donner les moyens de faire pleinement appliquer la loi. Il faut souligner qu’une fois en vigueur, les bailleurs et locataires disposent d’un délai de six mois pour se conformer à la loi, précise le gouvernement. Cependant, précise Ben Diarrassouba, ce n’est qu’un projet de loi : « ce n’est pas encore une loi ». Il explique que le projet sera soumis à l’attention des députés et ce n’est qu’après son adoption par le parlement, sa promulgation par le Président de la République et sa publication au Journal Officiel (JO) que le texte deviendra une loi opposable à tous les citoyens.

« C’est une bonne initiative mais je me demande si l’état pour une fois prendra les mesures nécessaires pour l’application » avance réservé Ben Diarrassouba.

La perspective d’avoir en Côte d’Ivoire une loi qui vient réguler le secteur de la location est une bonne décision mais pour Ahmed Mansour, il faut déjà réfléchir au mécanisme de suivi. Il pense qu’il « faut organiser la coercition, sanctionner les fautifs » afin que tous ceux qui seraient tentés de ne pas se conformer à la loi puissent réfléchir à deux fois avant de s’y aventurer. Il ne faut pas traîner à ce niveau estime Ahmed Mansour qui pense que ce mécanisme doit être clairement établi dès la mise en œuvre de cette loi.

Les acteurs directement impliqués

Depuis l’annonce de ce projet de loi, Serges Kouamé, agent immobilier dans la commune de Cocody, explique qu’il n’a pas observé de véritable changement sur le terrain. Cependant, il fait remarquer qu’au niveau de la mairie de Cocody, l’on refuse de légaliser les contrats de bail dont l’ensemble de la caution et l’avance excédent trois mois. Concernant son métier, il mentionne qu’il n’est pas véritablement menacé car il reçoit juste une commission de la part du futur locataire pour lui avoir trouvé une maison ; ce qui équivaut au mois d’agence. Serges Kouamé affirme que les grands perdants sont les propriétaires de maisons qui avancent déjà que cette future loi va les pénaliser.

Justement, c’est ce que pense Koné Mamadou, propriétaire et gérant de maisons. Pour lui, cette loi « est inique et injuste envers les propriétaires que nous sommes ». Il estime que les propriétaires de maisons sont souvent obligés de faire de grands travaux dans les maisons après le départ de certains locataires qui détériore tout avant de libérer la maison. « Nous déboursons d’énormes sous pour les réparations ». Mécontent, il ajoute qu’il faut parfois débourser encore de l’argent pour expulser certains locataires qui, en plus de ne pas payer le loyer, refusent de libérer les maisons qu’ils occupent. Pour Koné Mamadou, le propriétaire est perdant sur toute la ligne.

Dès l’annonce du projet de loi, le Conseil national de lutte contre la vie chère (CNLVC) en Côte d’Ivoire, a entamé immédiatement une campagne de communication à l’endroit des populations pour les inviter à dénoncer tous les réfractaires à cette loi une fois qu’elle sera en application. Dr Bah Koné, responsable du Secrétariat technique, explique qu’un numéro vert est déjà disponible et « servira à signaler tout contrevenant dès le vote de la loi ».

Ce numéro est aussi un point d’accès à l’information pour ceux qui veulent de plus amples informations dans l’attente du vote de la loi. Concernant cette campagne de communication, Bah Koné affirme qu’à ce stade, sa structure ne relève aucune plainte et ne sanctionne pas non plus. Le rôle du Conseil national de lutte contre la vie chère est juste d’informer « la population de la volonté du gouvernement de mettre fin aux abus qui peuvent exister dans le secteur ».

Raïssa Yao

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