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Coronavirus : la portée des mesures prises par Alassane Ouattara

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Dans un message à la Nation diffusé le 23 Mars, le président de République a annoncé une série de huit mesures visant à faire face à la pandémie du Covid19 en Côte d’Ivoire. Mais pour nombre d’ivoirien, le compte n’y pas. Explication.

Longtemps épargné par la propagation du coronavirus, les pays africains commencent à voir les cas se multiplier sur leur sol. Face à l’interpellation du parton de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), certains pays ont décidé de prendre des mesures vigoureuses pour freiner la propagation du virus. La Côte d’Ivoire qui ne comptait que 14 cas le lundi 23 Mars a décidé de prendre des mesures exceptionnelles. C’est le chef de l’Etat Alassane Ouattara qui, en personne a fait l’annonce des mesures lors d’une allocution télévisée à 20 h. Cette allocution solennelle était attendue par de nombreux ivoiriens. Ainsi, le président de la République a annoncé que « le Gouvernement et moi-même suivons avec une attention particulière l’évolution de la situation dans notre pays. Nous restons fermement engagés à mobiliser tous les moyens pour venir à bout de cette terrible pandémie ».

L’instauration de l’état d’urgence

La première mesure d’exception prise par le président est l’état d’urgence. Il justifie, « face à la progression de la pandémie dans notre pays, j’ai décidé de renforcer les dispositions déjà en vigueur. C’est pourquoi, je déclare l’état d’urgence sur toute l’étendue du territoire national, conformément à la loi n°59-231 du 7 novembre 1959 ». L’instauration de l’état d’urgence donne des pouvoirs exceptionnels notamment aux préfets via le ministère de l’intérieur.

Il a poursuivi en annonçant « la fermeture de tous les maquis et restaurants à compter de ce lundi 23 mars 2020 à minuit, après celle des bars, des boîtes de nuit, des cinémas et des lieux de spectacle ;   l’instauration d’un couvre-feu de 21 h à 5 h du matin, à compter du mardi 24 mars ; la régulation des transports interurbains, intercommunaux, intra-communaux et l’interdiction des déplacements non autorisés entre Abidjan et l’intérieur du pays ; le confinement progressif des populations par aire géographique, en fonction de l’évolution de la pandémie ; la création de couloirs humanitaires pour venir en aide aux personnes ou aux communautés ayant un besoin urgent d’assistance ;  le renforcement des capacités des industries pharmaceutiques, des laboratoires et des structures de diagnostic et de prise en charge sur l’ensemble du territoire national ; la détection précoce, la prise en charge rapide et l’isolement en toute confidentialité des malades ; la mise en place d’un centre d’appels dédié au Covid-19 et d’un système d’alerte et de suivi utilisant, notamment, les nouvelles technologies de l’information et de la communication ».

Des mesures spectaculaires aux conséquences socio-économiques importantes

Les mesures annoncées par le président de la république ont des conséquences immédiates sur la population notamment les plus précaires. En effet, en annonçant la fermeture de tous les maquis et restaurants, le président venait de mettre au chômage des centaines de jeunes ivoiriens qui travaillent dans les maquis et restaurants pour survivre. Deux jours après l’entrée en vigueur des mesures, des gérants de maquis témoignent. Pour Mlle Yolande G, « le président a parlé. Mais je pense qu’il doit reparler parce que vraiment, il n’a rien dit par rapport à comment on va se prendre en charge si on ne travaille pas ».

Le secteur du tourisme est paralysé par la pandémie du coronavirus (photo CC)

Francis Aka, gérant de maquis se demande lui si les conseillers du président lui ont bien expliqué la situation « est-ce que les ministres et les conseillers du président lui ont bien dire que la plupart des jeunes travailleurs à Dokui ici là, c’est dans les maquis et restaurants ils se débrouillent ? Avec la fermeture, on ne sait même pas comment on va payer nos maisons et facture et la SODECI envoie message qu’il faut payer facture par orange money. Où on va prendre l’argent ? » Interroge-t-il un peu amère et en même temps résigné dans la voix.

Couvre-feu de 21 h à 5 h du matin

L’instauration du couvre-feu dès 21 h et jusqu’à 05 h est une mesure qui touche de plein fouet le secteur du transport notamment les taxis intercommunaux. Mais elle touche d’abord et directement ces milliers de chauffeur contractuel qui ne sont pas des travailleurs à plein temps. M. Moussa Doumbia explique : « actuellement, le couvre-feu va être dur pour nous tous mais c’est les contractuels même qui vont souffrir que les titulaires. Eux, la plupart du temps, c’est la nuit ils roulent. Ils commencent à 19 h ou 20 h. Maintenant on dit qu’il y a couvre-feu à partir de 21 h, ce qu’ils ne vont plus travailler ». Il poursuit avec une sorte de solution pour « aider » ceux qu’il appelle « ses frères », « peut-être qu’on va revoir le programme. Si le titulaire monte à 5 h par exemple, il peut descendre vers 12 h-13 h et l’autre va finir la journée. Ou alors on va partager les jours. Parce qu’on ne sait pas quand la situation va changer ».  Lui aussi, lance un appel au président de la République : « bon moi je n’ai pas suivi quand il a parlé. Mais vraiment qu’il pense à nous. Actuellement, les recettes sont fortement réduites. Y a beaucoup de circulation. Il faut qu’il nous aide ».

Plus de 90%

Plus de 90%, c’est le taux d’emploi informel en Côte d’Ivoire selon la Banque Mondiale. Dans cet article publié sur le blog de la banque mondiale et repris sur la page Facebook officielle de l’institution financière publié en juillet 2018, l’on peut lire que « le taux d’emploi informel est supérieur à 70 en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud et à 50% en Amérique Latine. En Côte d’Ivoire et au Népal, il dépasse les 90% ».

Dans un tel contexte en annonçant des mesures aussi restrictives, à juste titre sans doute, le discours du président a manqué de volet social estiment de nombreux ivoiriens. « Je pense qu’il va annoncer des mesures d’accompagnement. Sinon ce n’est pas possible » espère Rosine Atsé, restauratrice. SIDIBE Kassim, entrepreneur, est beaucoup plus alarmiste « si le président n’annonce pas des mesures d’accompagnement, les ivoiriens ne pourront pas continuer à rester chez eux sans rien faire et se voir mourir de faim. Il y aura donc des personnes qui vont braver les interdictions en prenant des risques. Dans tous les cas, s’il n’y a pas de mesures sociales, ça sera le chaos au niveau social et même sanitaire. Il est urgent que le président reprenne la parole ».

Deux pays, presque même réalité,

A titre de comparaison, le Sénégal qui a presque la même situation socio-économique que la Côte d’Ivoire a pris des mesures sanitaires et sécuritaires similaires à savoir fermeture des restaurations et magasins, instauration de couvre-feu, état d’urgence etc. Mais en plus des mesures sanitaires pour freiner la propagation de la pandémie, le président sénégalais a annoncé 50 milliards d’aide alimentaire d’urgence aux sénégalais. Par ailleurs, l’Etat va débloquer 1000 Milliards pour aider les PME à faire face aux conséquences des mesures prises dans le cadre de la lutte contre la pandémie.

Traoré Bakary

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