L'actualité ivoirienne sans coloration politique

La Côte d’Ivoire vit dangereusement à crédit sous Ouattara

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Cinq ans après l’obtention de l’initiative Pays pauvres très endettés (PPTE), la Côte d’Ivoire est en passe d’atteindre son niveau de dette qui l’avait conduit à être éligible à ce programme. Inquiétant…sous le règne du champion des libéraux !

« Je suis économiste, mon rôle est de trouver l’argent et je le trouverai ».

Lorsqu’il briguait la magistrature suprême, c’est le discours qu’Alassane Ouattara tenait avant l’élection de 2010 pour rassurer ceux qui demandaient comment allait-il financer son programme chiffré à 10.000 milliards francs Cfa sur cinq ans. Mais où allait-il exactement mobiliser ces ressources ?

Le président du Rassemblement des républicains (RDR) n’avait clarifié cette position à l’époque. A la pratique du pouvoir, on constate que le chef de l’Etat fonde structurellement sa politique sur l’endettement massif.

A ce propos, l’actualité récente est parfaitement édifiante. Du 1er au 10 juin 2017, le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly et les ministres de l’Economie Adama Koné, du Budget Abdourahamane Cissé, du Plan Kaba Nialé et du Pétrole et de l’Energie Thierry Tanoh ont séjourné en Europe et aux Etats-Unis en vue « d’obtenir les ressources nécessaires au financement du budget de l’Etat ».

C’est la troisième fois – après les émissions d’obligation d’Eurobond en 2014 et 2015 – en l’espace de quatre ans que l’administration Ouattara a recours aux marchés financiers internationaux pour financer le budget national.

Pourtant, les institutions de Bretton Wood ont déjà mis en garde la Côte d’Ivoire sur ce recours systématique à l’endettement extérieur. Dans le rapport de sa huitième revue de la facilité élargie de crédit publié en mars 2016, le Fonds monétaire international (FMI) tirait la sonnette d’alarme :

« Les services du FMI ont appelé à adopter une attitude prudente vis-à-vis des emprunts sur les marchés. Une nouvelle analyse de viabilité de la dette indique que la Côte d’Ivoire reste exposée à un risque modéré de surendettement ».

Un risque certes modéré d’explosion de la dette, mais réel. En effet, en obtenant en juin 2012 le point d’achèvement de l’initiative Pays pauvres très endettés (PPTE), la Côte d’Ivoire a bénéficié d’un allègement de sa dette extérieur par les bailleurs de fonds à hauteur de 4.090 milliards francs Cfa. Ce qui a ramené la dette qui était de 6.264 milliards en 2011 à un peu plus de 2.000 milliards de francs Cfa.

Mais en l’espace de quelques années, la dette extérieure a repris l’ascendeur. Selon la direction de la dette publique, le stock de la dette extérieure s’élevait à 4.249,3 milliards (52,1% du stock de la dette publique) en juin 2016. Le FMI précise de son côté que la dette extérieure cumulait à 5.433 milliards francs Cfa à la fin de l’année 2016. Une somme qui se rapproche dangereusement au niveau de la dette lorsque la Côte d’Ivoire a bénéficié de l’initiative PPTE.

Manque d’imagination et d’inventivité

Certains observateurs jugent incompréhensible cette propension congénitale à solliciter des emprunts pour financer le budget de l’Etat. C’est le cas de l’ancien ministre Gnamien Konan, qui a été dans les gouvernements successifs d’Alassane Ouattara de 2011 à novembre 2016 :

« Mon pays est le seul pays au monde où l’endettement est une grâce. 10 milliards par-ci, 100 milliards par-là, 900 encore… C’est de la performance et de l’exploit même ! On s’en réjouit. On dirait, crédit, c’est tout ce qu’ils ont appris à l’école, ces banquiers ! », ironisait le député de Botro le 26 avril 2017 sur sa page Facebook.

D’autant plus que d’autres options existent. Entre autres la réduction du train de vie d’un Etat budgétivore, la lutte contre la fraude et la corruption, l’exploration de nouvelles niches pour les finances publiques, etc.

Recourir systématiquement à l’endettement extérieur pour financer le budget national c’est faire preuve de peu d’imagination et de moins d’inventivité. Le Pr Mamadou Koulibaly ne cesse de le répéter depuis plusieurs années : l’augmentation des investissements publics – marqués par une flambée des marchés gré à gré qui ne profitent pas à la majorité des entreprises nationales – liés à l’endettement massif conduit à une « croissance appauvrissante ».

En clair, la croissance de la Côte d’Ivoire qui avoisine les deux chiffres et fortement basé sur un endettement incontrôlé ne peut être inclusive et contribuer à juguler efficacement la pauvreté et les inégalités sociales.

Ebony T. Christian

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