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Guerre de la bière : intimidations, menaces et chantages au menu

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Le secteur de la bière en Côte d’Ivoire n’est plus chasse gardée d’un seul opérateur et les consommateurs le ressentent. Deux groupes se partagent désormais les amoureux de la bière dans tout le pays : Solibra et Brassivoire. C’est une concurrence qui libéralise un secteur clé de l’agro-alimentaire et qui prends quelquefois des allures de guerre des tranchées.

 Le soleil se couche sur Abidjan ce 31 mars et ce n’est pas un euphémisme de dire que la chaleur était infernale durant toute cette journée. Le premier réflexe de certains abidjanais a donc été de s’assoir dans l’un des nombreux plein-air de la capitale pour savourer une bonne bière fraîche. Au Terrain de Las Plamas (2 Plateaux) où nous faisons escale autour de 17 heures, force est de constater le nombre très important de clients. A l’exception de quelques consommateurs, c’est la bière qui coule sans discontinuer en ce lieu !

Sur des tables brandées par Solibra et dans des verres estampillés du logo de ses bières, on ne boit pourtant pas des produits sortis de l’antre de la brasserie de Treichville. Sur la soixantaine de tables alignées, la bière de Brassivoire est celle qui est la plus consommée. Deux bouteilles de la bière Ivoire devant un couple, cinq sur celle où sont assises 4 jeunes filles, une huitaine sur l’autre table où bavarde un groupe de jeune gens qui ne cesse de grossir ou encore une quinzaine de bouteilles vides que l’on débarrasse autour de deux tables qu’ont occupé il y a une heure certains clients.

« La bière Ivoire ne reste pas longtemps dans le frigo » nous indique la jeune serveuse avant d’ajouter que « c’est la bière la plus demandée en ce moment ».

Et elle ne fait qu’affirmer ce que nous constatons : les bières vendues par Solibra sont plutôt rares sur les tables ! Ce qu’on croyait être un phénomène de mode pour désigner la consommation de la bière Ivoire est en train de devenir une véritable habitude. Ivoirien aime nouveau comme dit l’adage mais avec la bière Ivoire, l’effet de la nouveauté ne tient plus la route.

« Moi j’aime cette bière parce qu’elle n’agresse pas. Elle n’a pas une odeur forte et persistante après qu’on l’ait bu » indique Franck Éric Kouassi, cadre dans l’administration.

Le jeune homme nous indique apprécier cette nouvelle bière de Heineken, quand bien même lors de ses virées nocturnes, certaines rumeurs ont fait état de la baisse de la qualité de la bière. Un bruit que nous tentons de vérifier à Yopougon sur l’ancienne rue Princesse où tiennent encore quelques maquis.

« Oui effectivement, « les gens » racontent au quartier que les premières bouteilles de la bière Ivoire venaient directement d’Allemagne d’où la qualité du produit et que celles qui sont sur le marché actuellement sont tout simplement de la Heineken diluée » nous révèle Sanogo Issouf, ferronnier de son état.

Cette rumeur, nous indique notre interlocuteur, fait penser à l’époque où certaines langues se baladaient de maquis en maquis « pour indiquer que la Number One occasionnait des cirrhoses ! ».

« On connait ça : chaque fois qu’il y a une nouvelle bière qui sort, les gens veulent toujours dire que ce n’est pas une bonne bière. Mais pour moi le goût de la bière Ivoire n’a pas changé » renchérit Ta Bi, l’ami à Sanogo Issouf.

Les deux amis pensent savoir qui sont les auteurs de cette rumeur mais ils garderont cette information pour eux. Par contre du côté des tenanciers de maquis et restaurants, le concurrent de la bière Ivoire n’est pas une rumeur : il s’agit de Solibra dont les commerciaux ne cessent de les harceler par tous les stratagèmes.

« Ils nous menacent qu’ils vont venir prendre leurs chaises, leurs verres, leurs tables et leurs frigos. Si une de tes serveuses porte le tricot de Ivoire pour servir ils vont venir bavarder dans tes oreilles » nous explique dame K. A Suzanne, tenancière de maquis.
« Si tu mets une seule bouteille de la bière Ivoire dans leur frigo ils te disent d’enlever. Même les pancartes avec le nom des maquis dessus que les gens de Ivoire placent, ça aussi, ça leur fait mal » ajoute Hervé, un autre tenancier de maquis en quête de monnaie.
Les tenanciers de maquis et dépôts de boisons dénoncent le harcèlement de SOLIBRA

Les pressions sont aussi vécues dans les dépôts où désormais tous les distributeurs de la bière Ivoire doivent payer cash leurs commandes chez Solibra. Brassivoire ne produisant pas de boissons gazeuses (sucreries) et d’eau minérale, le chantage se fait désormais à ce niveau.

« C’est dur souvent mais on est obligé de supporter parce que sincèrement les Ivoiriens demandent la bière Ivoire. Si tu acceptes de ne pas vendre la bière que les clients demandent, comment tu arrives à faire ta recette ? » s’interroge Hervé.

Pour de nombreux tenanciers, il est hors de question de se laisser intimider et face aux menaces des commerciaux de Solibra, certains maquis préfèrent avoir deux frigos et acheter leurs propres chaises et verres. « C’est mieux, comme ça quelqu’un ne va pas t’emmerder » s’indigne Serges Abongoua, un tenancier de maquis avant d’indiquer que la concurrence de Solibra ressemble « à palabre ! ».

« C’était comme si les gens d’Orange venaient dire à un gérant de cabine de ne pas faire des transferts Moov ou MTN or il y a déjà plusieurs réseaux. Il faut laisser les clients boire la bière qu’ils veulent et les tenanciers de maquis vendre les bières qu’ils veulent » conclu Serges.

Les acteurs du secteur de la restauration et de la vente de boissons ne comprennent toujours pas pourquoi cette guerre. Pour sûr, on peut avancer que la guerre de la bière ne fait que commencer, car il n’est pas certain que Brasivoire veuille s’en laisser compter. Tout comme Solibra…

SUY Kahofi

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