JVE en croisade pour la promotion de l’agroécologie
Faire en sorte que l’agroécologie soit davantage connue et pratiquée par les producteurs et paysans, face à une agriculture industrielle invariablement prônée et encouragée. C’est le défi que veut relever Jeunes volontaires pour l’environnement (JVE), qui a initié un camp de formation en collaboration avec l’ONG GRAIN.
Agroécologie ou agriculture industrielle pour nourrir les populations ? Pour certains, le choix est vite fait : l’agroécologie, cette pratique culturale faite par de petits agriculteurs mais qui produit 70% de la nourriture sur seulement 25% des terres cultivables. C’est le cas de l’ONG Jeunes volontaires pour l’environnement (JVE) Côte d’Ivoire. Après avoir participé au cours régional Afrique francophone sur ‘L’agroécologie face aux systèmes de production agricoles dans le monde et en Afrique’, organisé par JINUKUN au Benin en 2016 et en 2017, l’organisation a initié un camp national sur l’agroécologie.
Cette première édition du Yali Tia Boot Camp a eu lieu du 04 au 10 août 2019 à Zaguiguia, village situé dans la périphérie de la ville de Daloa, dans le centre-ouest de la Côte d’Ivoire. Objectif : promouvoir des systèmes alimentaires et agricoles durables, c’est-à-dire respectueux de l’environnement, de la biodiversité et des droits des producteurs et valoriser les pratiques culturales séculaires développés par des agriculteurs familiaux depuis des lustres.
L’agroécologie, solution pour nourrir sainement et durablement la planète
« On veut faire cette promotion de l’agroécologie afin que les producteurs puissent revenir à ces pratiques qui sont 100% sans danger pour la santé des communautés et pour la protection de notre couvert végétal », fait valoir Brida Bawa Franck, directeur du Yali Tia Booth Camp.
« Pour nous, c’est déjà un pari gagné dans l’initiative de faire la promotion de l’agroécologie et qui renvoie aussi à ce qu’on puisse sensibiliser, amener nos communautés surtout paysannes à embrasser ou à revenir aux pratiques culturales endogènes », insiste-t-il.
Changer de modèle de production
Ce projet est également soutenu par l’ONG GRAIN, dont le représentant Afrique, Ange David Baimey, estime que le secteur de l’agriculture est pourvoyeur d’emplois pour les jeunes si on leur donne l’occasion d’avoir les terres. Il interpelle également les Etats afin de respecter leurs engagements de réduction de CO2 tout en faisant la promotion des pratiques comme l’agroécologie qui permet de proposer aux consommateurs des produits alimentaires sains.
« Nous devons changer notre modèle de nous nourrir. Nous devons changer notre modèle de produire la nourriture parce qu’il y va de la santé, il y va aussi de l’environnement, il y va aussi de lutte contre les changements climatiques parce que le modèle agro-industriel est émetteur énormément de gaz à effet de serre ».
Pour cette première édition, les participants sont venus de plusieurs localités du pays (Daloa, Soubré, Yamoussoukro, Prikro, Alépé, Toulepleu, Abidjan) mais aussi hors des frontières nationales (Burkina-Faso, Congo Brazzaville). La sensibilisation est d’autant plus importante que les producteurs n’ont pas toujours accès à l’information, ce qui limite leurs opportunités de production et leur compétitivité sur le marché. Kouamé Kouamé Alfred est technicien en agriculture et responsable de la production de la Société d’ingénierie agricole et de distribution des produits agroalimentaires, une start-up spécialisée dans le maraichage qui possède deux sites de production à Zambakro et à Toumodi.
Il a fait le déplacement de Yamoussoukro pour apprendre de nouvelles techniques de production et les alternatives qu’offre l’agroécologie face aux intrants chimiques :
« J’ai décidé de participer à ce camp parce que j’ai compris qu’après tant de difficultés que nous avons rencontrées sur nos différentes fermes, j’ai vu que la production en Côte d’Ivoire coûte très chère. C’est dû aux coûts des semences et aussi des produits phytosanitaires. Étant donné que l’agroécologie offre une opportunité, c’est-à-dire que nous pouvons nous-mêmes produire nos propres semences et produire nos propres fertilisants y compris des biopesticides, donc tout de suite, j’ai compris que ça pourra d’une part m’aider à produire à moindre coût et à pouvoir vendre aussi à un meilleur prix puisque la consommation biologique est beaucoup attendue par les consommateurs ».
Un background et une riche expérience acquise pendant ce camp qu’il entend partager aux stagiaires venant des écoles agronomiques qu’il reçoit régulièrement dans sa ferme. Pareil pour Bienheureux Daël Reddy, venu du Congo Brazzaville. Ce technicien piscicole, gérant d’une ferme, souhaite améliorer et adopter des modes de production plus soucieuse de l’environnement. « J’apprends de nouvelles choses qui pourront vraiment me servir en agroécologie. Ce que je veux vraiment appliquer, mettre en œuvre, c’est l’agroécologie, parce que chez nous on utilise trop les engrais chimiques ».
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L’agroécologie, un mode de vie
Connaissance théorique sur l’agroécologie, expérimentation pratique de production de biofertilisants ou de biopesticides, visite de terrain sur la ferme ‘’Jardin d’Eden Park’’ de Jean Marie Niaka, enseignant et passionné d’agriculture, qui a permis aux participants de comprendre l’agriculture biologique, la permaculture et la biomédecine. La vingtaine de participants à ce camp a vraiment renforcé ses capacités grâce également au formateur Belemgnégré Abdoul Razack, directeur de la ferme agroécologique de l’association Beo-neere au Burkina-Faso, enseignant en agroécologie.
« Il faut dire que l’agroécologie, c’est un mode de vie, c’est un ensemble de pratiques et de savoir-faire agricoles et endogènes. Ce sont des savoir-faire ici que nos parents faisaient il y a très longtemps et soucieux de l’environnement. Donc c’est une agriculture qu’on peut faire en protégeant l’environnement ».
Pour ce militant écologiste, les avantages de l’agroécologie sont nombreux. En utilisant des substituants ou alternatives bio (Bokashi, micro-organismes efficaces, etc.) aux engrais et pesticides chimiques, l’agroécologie se pose comme un moyen qui préserve la santé des paysans ainsi que la biodiversité et réduit la pollution des sols et améliore leur fertilité. « Ceux qui disent que l’agroécologie ne peut pas nourrir le monde, ce sont des gens qui n’ont pas fait la pratique de l’agroécologie… Sinon, l’agroécologie peut nourrir le monde », observe Belemgnégré Abdoul Razack.
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« C’est important de montrer aussi qu’il y a d’autres alternatives contrairement à ce que les gens peuvent penser. En faisant du vivrier, en faisant des céréales, en faisant de l’agroécologie les producteurs et les paysans peuvent nourrir le monde, nourrir la Côte d’Ivoire », ajoute Ange David Baimey.
Jeunes Volontaires pour l’environnement (JVE) entend perpétuer l’organisation de camp chaque année en introduisant à l’avenir une initiative de promotion de l’agroécologie auprès des femmes. Ainsi, l’année prochaine, il y aura deux activités : l’agro Boot Camp et l’agro Boot Camp qui concerne uniquement que les femmes.
Anderson Diédri