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L’AGRA entérine et consolide les crises climatiques d’aujourd’hui et de demain

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Le projet de Révolution Verte en Afrique (AGRA) est l’interface par laquelle la finance mondiale et les multinationales dénaturent le potentiel agricole africain, contribuant fortement au changement climatique et à la misère des petits producteurs.

Lors d’un débat sur la croissance agricole, la directrice générale de l’International Fertilizer Association l’américaine Charlotte Hebebrand, soutenait en substance que l’Afrique utilise moins d’engrais et devrait augmenter sa capacité à le faire : “l’utilisation d’engrais en Afrique est dix fois moins importante que la moyenne mondiale”. C’est à ce genre de “conseils” et “d’appui” au monde agricole que nous assistons de plus en plus de la part du secteur de l’agrobusiness dans les pays en développement. Ce que l’on cache pourtant aux producteurs de ces pays en développement, c’est que les engrais azotés sont connus pour leur contribution importante aux émissions de Gaz à Effet de Serre mondiaux. Leur contribution en oxyde nitreux – un gaz à effet de serre 300 fois plus puissant que le C02 – est assez importante.

Les autorités politiques de ces pays et les organisations internationales ne cessent d’encourager les paysans et paysannes d’Afrique vers la voie d’une utilisation de plus en plus importante des engrais. Durant le 9e Forum de l’Alliance pour une Révolution Verte en Afrique (AGRA) qui se tient à Accra au Ghana, c’est encore à la propagation de cet “évangile” que l’on s’attend à assister. Pressions sur les agriculteurs pour l’utilisation intensives des engrais chimiques, lois qui criminalisent les semences paysannes, privatisation des terres, course à la mécanisation, semences hybrides et monocultures …. sont entres autres les systèmes et pratiques agricoles encouragés par la « révolution verte » sur le continent.

Pourtant ce modèle d’agriculture, et les dispositions juridiques et économiques qui l’accompagne, a bien montré ses limites un peu partout en Afrique et l’agroécologie paysanne est une réponse adéquate et évidente aux crises climatiques et alimentaires de l’Afrique. Alors que le dernier rapport spécial du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) sorti le 08 Août 2019 reconnaît le rôle néfaste de l’agriculture industrielle et rend un hommage à l’agroécologie paysanne, ce 9e Forum, sera, lui, consacré à l’utilisation du numérique pour “transformer” les systèmes alimentaires africains.

La petite agriculture familiale est celle qui nourrit réellement l’Afrique

Sur un continent enfoncé dans le paradoxe de sa dépendance à l’importation alimentaire pendant qu’il détient d’immenses terres agricoles (60 % des terres agricoles sont en Afrique selon certaines estimations) et où des scandales comme celui provoqué par la découverte de 160.000 tonnes de riz local dans des entrepôts au Cameroun constitue une insulte à l’intelligence africaine; ce thème sonne comme une volonté d’accroître la dépendance agricole et alimentaire de l’Afrique face à l’agrobusiness. Il y’a lieu face à tous cela de sérieusement s’interroger sur cet acharnement à imposer cette fausse solution, ce faux modèle pour résoudre les problèmes de l’agriculture africaine.  

Lorsqu’on évalue les potentialités agricoles du continent, point besoin de « révolution verte » si le véritable enjeu est effectivement de nourrir l’Afrique. La question de la lutte contre la faim ne peut être une affaire des multinationales de l’agro-industrie. Car dans les différentes tactiques et stratégies de ces dernières n’apparaissent uniquement que la quête du profit et le contrôle des ressources que sont la terre, l’eau et les semences.

Par exemple, en regardant minutieusement les importations alimentaires sur le continent africain, on peut dire qu’elles sont le fruit de politiques dirigées et poussées par les multinationales et les agences du genre USAID, en complicité avec certaines élites du continent. Cette « révolution verte » est en totale contradiction avec la recherche de la souveraineté alimentaire. Contrairement aux mécanismes de productions respectueux de l’environnement, elle impose un recours abondant et massif aux engrais chimiques et à la mécanisation. Elle impose des productions agricoles qui sont utiles pour son marché de consommation mais pas pour celui des paysans. Résultat, en plus d’être une menace pour l’environnement, elle détruit les marchés locaux qui sont pourtant au centre de cette souveraineté alimentaire.

Agriculture familiale : solution au réchauffement climatique et au gaspillage

Cette « révolution verte » entérine et consolide le chaos climatique de demain avec sa forte dépendance aux énergies fossiles. L’empreinte écologique des engrais est énorme malgré que cela soit sous-estimé dans les calculs car cela permet de voiler leur réelle ampleur dans les émissions responsables du réchauffement global et des émissions de Gaz à Effet de Serre. Cet impact de ces engrais chimiques sur le changement climatique ne peut plus continuer d’être ignoré.

Par son besoin croissant en énergie, par sa consommation croissante en eau, par sa dépendance aux pesticides et autres produits chimiques hautement toxiques et destructeurs pour l’environnement et la santé, la « révolution verte » ne peut se prétendre « ami du climat » et de la biodiversité. Avant de prétendre le devenir, elle devrait avant tout rompre sa proximité avec les multinationales de l’agrobusiness, premier bénéficiaire de ses actions et qui sont toujours mis en avant dans les Foras d’AGRA, principales vitrines d’un secteur privé en quêtes de podiums pour continuer de véhiculer sa propagande sur la nécessité absolue des partenariats publics-privés qui se font pourtant au détriment des peuples et de l’agriculture africaine.

Dans la logique d’AGRA, rien ne peut se faire pour « transformer l’agriculture » sans le rôle centrale de l’agro-business qui pourtant montre de plus en plus son incapacité. Une incapacité à nourrir la planète, une incapacité à protéger l’environnement avec son modèle de plus en plus polluant, une incapacité à garantir la santé des consommateurs et à lutter contre le gaspillage.

L’agriculture africaine a juste besoin de terres et non d’accaparement de terres. Elle a juste besoin de semences paysannes et non de semences hybrides et de biotechnologies. Elle a besoin de politiques agricoles propres à elle et non celles imposées par des institutions telles que AGRA. C’est seulement à ce prix qu’elle pourra répondre aux besoins de milliers de citoyens africains et être résiliente face aux changements climatiques.

Une tribune de JVE Ghana et GRAIN

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