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Législatives 2016 : les cumulards en ordre de bataille

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Certains candidats fièrement inscrits sur les listes pour les élections législatives participent à un débat duquel ils sont officiellement exclus. Le code électoral et les textes de la République leur interdisent clairement d’être députés.

La Commission Electorale Indépendante (CEI) a enregistré 943 candidatures pour les 255 sièges que compte l’Assemblée Nationale. Sur ce total, le Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (la coalition politique la plus importante) présente 248 candidats ayant reçu chacun la coquette somme de 5 millions de f CFA pour le financement de la campagne. Les indépendants décrochent la première place au tableau des volontaires pour un poste au Parlement avec 740 candidatures. La grande majorité de ces hommes et femmes qui ont décidé de jouer en solo sont ceux qu’on appelle dans les Etats-majors les indisciplinés, les impolis ou les rebelles. Si ces derniers se sont rebellés contre les textes de leurs partis politiques (un moindre mal), d’autres qui ont eu la bénédiction des demi-dieux qui dirigent leurs regroupements politiques sont de véritables hors-la-loi !

En effet, chaque candidat à une élection a déjà pris le soin de lire le code électoral et les textes qui organisent les différents scrutins en Côte d’Ivoire. Mais lire un texte, le comprendre et surtout le mettre en pratique n’est pas vraiment la tasse de thé de certains politiciens dont le visage est omniprésent sur l’échiquier politique national depuis Félix Houphouët Boigny jusqu’à ce jour. Ces immortels politiques que l’on a rebaptisé pour la cause The highlanders occupent pourtant des fonctions qu’ils savent clairement incompatibles avec le poste de député. Sur la question des incompatibilités, que disent les textes qui organisent les élections législatives ? Les articles 87, 88, 89, 90 et 91 du code électoral donnent des précisions sur les incompatibilités.

« Article 87 : Le mandat de Député est incompatible avec la qualité de membre du Conseil Constitutionnel et des juridictions suprêmes, de membre du Conseil Economique et Social, de membre de Cabinet Ministériel et de membre de la Commission chargée des élections ».

« Article 88 : L’exercice des fonctions publiques non électives est incompatible avec le mandat de Député. Toute personne visée à l’alinéa précédent, élue à l’Assemblée Nationale est remplacée dans ses fonctions et placée dans la position prévue à l’article 73 alinéa 1 de la présente loi, dans les huit jours qui suivent le début de son mandat ».

Ces deux articles nous montrent que le mandat de député est incompatible avec un nombre très importants de hautes fonctions de l’administration publique. Sont exclus de la course pour un poste à l’Assemblée Nationale – à titre d’exemple – les ministres, les secrétaires généraux de la présidence, les ministres délégués, les directeurs de cabinets, les directeurs généraux et les directeurs généraux adjoints des établissements publics nationaux (fonctions publiques non électives). Malgré ces dispositions, il est regrettable de noter que des barons du régime des Houphouëtistes sont arrivés (encore une fois) à se présenter aux législatives sans que cela ne dérange réellement la bande à Bakus ! L’alchimiste des résultats électoraux controversés, Youssouf Bakayoko, est sans doute frappé d’une certaine amnésie en ce qui concerne l’application du code électoral selon que le candidat est un proche du chef de l’Etat. Sinon comment comprendre que des ministres, ministres délégués et directeurs généraux d’établissements publics nationaux se retrouvent candidats ? Et la liste des cumulards est longue…et bien longue.

Hamed Bakayoko ministre de l’intérieur, candidat à la députation Séguéla commune. Pour la cause, il a rangé au placard son titre de ministre et revêtu son uniforme d’administrateur de société. Sié Hien directeur du Port Autonome d’Abidjan et candidat pour la circonscription d’Adiaké, Assinie-mafia et Etuéboué commune et sous-préfecture. Hamadou Gon Coulibaly, l’unique intellectuel de la cité du Poro ! Secrétaire général de la Présidence, maire de Korhogo et aussi candidat pour la circonscription de Korhogo ville. Kandia Camara retrouve l’amour de la profession d’enseignante car ministre de l’éducation nationale est trop voyant dans l’arène politique surtout quand on est candidat dans un quartier à problème comme Abobo. Même le très réservé et respecté Daniel Kablan Duncan s’y met ! Le premier ministre veut être député à Grand Bassam. Visiblement les mauvaises fréquentations ont la faucheuse habitude de corrompre les bonnes mœurs !

A la vue de tous ces candidats qui sont déjà aux affaires, à des postes de responsabilité et non des moindre une question mérite d’être posée. Doit-on confier l’Assemblée Nationale à des hommes et des femmes qui n’auront jamais le temps de siéger ? Doit-on élire des faire-valoir qui sont présents avec le calcul malsain de la majorité politique ? Doit-on faire confiance à ceux qui sont présents pour leur intérêt et non celui du peuple ? Avec deux, trois voire quatre postes, un tel candidat peut-il avoir le temps de siéger convenablement ? L’Assemblée Nationale est une institution bien trop sérieuse et importante pour qu’elle puisse devenir un espace de repos pour des députés suppléants qui ne reçoivent que des consignes de vote.

L’Assemblée Nationale doit être et rester le lieu du débat constructif entre ceux que le peuple à choisit au suffrage universel pour faire le choix judicieux de textes décisifs pour la bonne marche de la Nation. Si les instances chargées de la bonne tenue des élections font semblant de ne pas voir ces candidats qui ne méritent pas de se retrouver sur la liste des prétendants à un siège à l’Assemblée Nationale, le peuple a par contre l’obligation de faire le choix d’un vote utile. Il faudra donc choisir comme député quelqu’un qui aura le temps de siéger, d’apporter la contradiction lors d’un débat parlementaire et faire le choix d’un texte de loi sur la base d’arguments solides et non sur la base d’une consigne de vote pour faire plaisir au demi-dieu qui trône sans partage à la tête de son parti politique.

SUY Kahofi

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