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Les sachets plastiques ont-ils réellement disparu en Côte d’Ivoire ?

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La Côte d’Ivoire doit accueillir en juin 2023, la journée mondiale de l’environnement. Un évènement qui sera placé sous le signe de la lutte contre la pollution plastique. Pour lutter contre cette pollution, la Côte d’Ivoire a adopté il y a près de 10 ans le décret n°2013-327 du 22 mai 2013 portant interdiction de la production, de l’importation, de la commercialisation, de la détention et de l’utilisation des sachets plastiques. Malgré l’existence de ce décret, les sachets plastiques n’ont pas encore disparu du quotidien des Ivoiriens.

Selon les données du Ministère ivoirien de l’environnement, plus de 200.000 tonnes de sachets plastiques sont produites chaque année en Côte d’Ivoire. Cette production industrielle est estimée à 15 milliards de f CFA. L’industrie du plastique en Côte d’Ivoire est portée par plus d’une quarante d’entreprises qui génèrent près de 10.000 emplois directs et plus de 20.000 emplois informels supplémentaires. Le plastique nourrit de nombreux ivoiriens, au sens propre comme au sens figuré ! En réalité le plastique est omniprésent notamment grâce à son utilisation pour l’emballage de la nourriture et les produits de consommation.

Il ne faut pas chercher loin pour établir son premier contact avec les sachets plastiques dans les rues d’Abidjan. Ils sont tout aussi visibles – usés – dans les poubelles et les caniveaux mais aussi prêts à l’emploi dans les boutiques et sur les étalages du marché. N’Zi Rachelle, une restauratrice de Yopougon qui propose de l’attiéké et du poisson à ses clients continue d’utiliser les emballages plastiques. « L’attiéké est attachés avec le sachet qu’on achète par paquet de 100 à la boutique. Lorsque le client veut emporter son plat, nous le servons puis nous mettons l’attiéké et le poisson dans un sachet noir » nous explique la commerçante.

A la question de savoir si elle avait connaissance de l’interdiction des sachets plastiques, N’Zi Rachelle nous surprend par sa réponse. « Oui oui, je me rappelle de ça (décret NDLR) ! C’était quand Ouattara (Alassane Ouattara NDLR) était arrivé au pouvoir. On nous avait dit que le gouvernement allait changer les plastiques mais personne n’a plus parlé de ça donc on a continué avec nos anciens sachets » nous explique la restauratrice.

Selon Salimata Traoré, une vendeuse de fruits et légumes au marché Gouro d’Adjamé, l’utilisation des sachets plastiques résulte du choix des clients qui l’imposent littéralement aux commerçants. « Au marché ici si quelqu’un vient acheter quelque chose forcé il va te dire de mettre dans sachet » nous explique la jeune dame. « Même pour un petit achat de 500 ou 1000 f, on va te dire de mettre ça dans un sachet : si tu refuses c’est toi qui perds. On est obligé de faire ça comme ça sinon on sait qu’avant le président avait dit de ne plus utiliser les sachets plastiques » conclut la commerçante.

Entre les étalages du marché Gouro, des jeunes filles nous proposent des sachets d’eau. Un passant qui suivait d’un air intéressé notre conversation avec Salimata Traoré nous indique qu’il « ne consomme pas l’eau vendue en sachet dans les rues ».

« Je vous ai entendu poser des questions à la vendeuse. Je dois vous dire que le vrai danger c’est surtout l’eau vendue en sachet et appelée ‘awadji’. Vous allez remarquer que la majorité du sachet plastique recyclé provient de ses sachets d’eau récupéré à même le sol » avance Jules Tra Bi, maintenancier dans une usine de production métallurgique. « Je travaille à la zone industrielle et je vois comment ce type de sachet qui laisse un arrière-goût à l’eau est traité. Si certains ivoiriens voient dans quelle condition le sachet arrive à l’usine, ils auront peur d’acheter les sachets d’awadji » s’inquiète Mr Tra Bi.

Il nous explique que le décret pris en 2013 n’a pas eu d’effet car il n’y a pas eu de mesures fortes pour accompagner les entreprises et sensibiliser les populations. C’est aussi le point de vue d’Alexandre Kouamé, un enseignant de passage à Abidjan. « J’ai vu l’interdiction des sachets plastiques par la Côte d’Ivoire comme un effet de mode : comme d’autres pays à l’image du Rwanda l’ont fait nous aussi nous l’avons fait et finalement il n’y a pas eu de résultats » indique l’enseignant.

Mr Kouamé précise que de son point de vue, « il y a eu de la précipitation ». « Les populations n’ont pas été sensibilisées, les industriels n’ont pas été suffisamment informés et accompagnés vers la production d’un plastic plus respectueux de l’environnement, un calendrier de liquidation des stocks existants n’a jamais été adopté…et aujourd’hui le résultat est là » se désole Alexandre Kouamé.

Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire produit plus de 280 tonnes de déchets plastiques par jour. L’essentiel de ces déchets reste enfoui dans le sol ou dérive dans les cours d’eau et l’océan. En avril 2017, la rédaction de Eburnie Today a réalisé un reportage qui souligne la faiblesse de la filière recyclage des déchets plastiques en Côte d’Ivoire. A titre d’exemple, le prix d’achat garanti aux petits collecteurs est fonction de la propreté du plastique qu’ils proposent aux usines. Ces prix varient entre 100 francs et 150 francs CFA le Kilogramme. 2019, AfricWaste a estimé qu’en Côte d’Ivoire, environ 20 à 40 % des déchets plastiques sont enfouis ou mélangés à d’autres déchets tandis que seulement 5 % d’entre eux sont recyclés.

SUY Kahofi

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