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Mettre le fruit du commerce équitable au service des populations locales

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La culture du cacao représente entre 15% et 20% du PIB de la Côte d’Ivoire et fait vivre environ 6 millions de personnes. Un peu plus de 600.000 producteurs cultivent le cacao dans différentes régions de la Côte d’Ivoire et sont regroupés au sein de coopératives. Ces groupements travaillent pour le respect des droits de leurs adhérents et pour l’amélioration de leurs conditions de vie. Mais l’action des coopératives ne se limite pas exclusivement aux producteurs. Grâce aux certifications cacao durable et commerce équitable, les coopératives de la filière cacao œuvrent au développement des localités où elles sont installées.

Il y a une animation particulière sur la place du village de N’Gouanda-Kouadiokro dans la sous-préfecture de Zaranou dans l’est de la Côte d’Ivoire. Des hommes et des femmes écoutent attentivement un groupe d’individus arrivés le matin même en voiture. Les mines sont plutôt radieuses, preuve que les informations partagées par les visiteurs semblent intéresser l’assistance. Après les échanges, chaque personne dans l’assemblée s’avance pour recevoir une enveloppe.

« Ils sont tous des producteurs de cacao et l’enveloppe qu’ils reçoivent est leur part du différentiel » m’explique Kouassi Alangba Jules, un producteur de cacao et membre de la COOPAZA, la coopérative des producteurs agricoles de cacao de Zaranou dans l’est de la Côte d’Ivoire. Il s’agit d’une coopérative certifiée Fairtrade depuis 2012 avec un tonnage annuel de production estimé à 6.000 tonnes.

Le différentiel est un mot qui revient chaque fois à la bouche des producteurs de cacao après la récolte et la vente de leurs produits lors de la grande campagne annuelle. Christophe Aboa, un des responsables de la COOPAZA m’explique que « le différentiel est la différence entre le prix minimum garanti Fairtrade et le prix d’achat du cacao bord champ fixé par le gouvernement ivoirien. Cette somme est versée uniquement aux producteurs certifiés Fairtrade ».

Dans chacune des enveloppes distribuées aux producteurs rassemblés à N’Gouanda-Kouadiokro, on retrouve un montant sous la forme d’une prime qui vient encourager le producteur. « Certains vont utiliser ce montant pour financer des activités génératrices de revenus, entretenir leurs plantations ou couvrir d’autres besoins de leurs foyers. Pour moi c’est déjà un grand pas pour scolariser mes enfants lors de la rentrée des classes » se réjouit Bongoua Agnigora, producteur de cacao.

Les heureux bénéficiaires du différentiel

Produire un cacao durable, respectueux de l’environnement et des cahiers de charge Fairtrade est un objectif que s’est fixé la coopérative des producteurs agricoles de cacao de Zaranou (COOPAZA). L’un des avantages de ce partenariat commercial est le différentiel, versé en toute transparence aux producteurs. « C’est une manière pour nous de fidéliser les producteurs et de leur montrer que si nous produisons ensemble du bon cacao, nous pourrons améliorer nos conditions de vie et transformer nos communautés. Le différentiel aide à lutter contre la fuite du cacao et le contournement des filières de vente officiel » indique Guibo Breiman, président du conseil d’administration de la COOPAZA.

Guibo Breiman tient à préciser que le différentiel n’est pas le seul avantage lié au commerce équitable. Les retombés des différents mécanismes de lutte contre le travail des enfants, de promotion de l’agroforesterie et du genre ont permis à la coopérative de réaliser des infrastructures sociales qui améliorent le bienêtre des populations locales.

Autour de son slogan « la place des enfants se trouve à l’école », la COOPAZA a investi les fruits du commerce équitable dans la construction de trois salles de classe et un bureau d’enseignant dans les écoles primaires de Mahounou 1 et 2. L’école primaire de Sousou-soukou a bénéficié de latrines modernes et l’école primaire publique de Boka a été réhabilitée. Chaque année, des kits scolaires sont offerts aux enfants des producteurs.

« Conformément aux exigences de la certification et de l’agriculture durable, la COOPAZA a initié dans son système de fonctionnement une politique de lutte contre le travail des enfants en cacaoculture. Ce programme est piloté par ICI, Initiative Cocoa International, par le biais des relais communautaires (RC). Tout en sensibilisant les producteurs à ne pas laisser leurs enfants dans les plantations, la COOPAZA construit et réhabilite des écoles pour justement encourager la scolarisation des enfants » souligne Kouadio Jean Jacques Brou, administrateur de groupe (ADG) à la COOPAZA.

La politique d’action sociale de la coopérative ne s’arrête pas aux écoles. Le Centre de santé urbain (CSU) de Zaranou a été équipé d’un préau qui sert d’espace à la vaccination des enfants du village. Les mères et les enfants peuvent désormais s’abriter du soleil le temps d’être reçus par les agents vaccinateurs. A ce bâtiment s’ajoute un groupe électrogène pour permettre au centre d’être d’alimenter en électricité en cas de coupure. La COOPAZA a aussi fait don de matériel médical et d’un lit en salle d’accouchement à la maternité. « Ces dons de la coopérative vont surtout aider les femmes et les enfants qui fréquentent le centre de santé. Par le passé les patients ou leurs accompagnateurs rencontraient des difficultés pour se reposer. Désormais avec le préau l’attente est moins pénible » se réjouit Ilboudo Salimata, une habitante de Zaranou.

Le pont en construction sur la rivière Soukou-soukou

Un autre défi du développement local auquel s’attaque la COOPAZA est l’absence de routes praticables pour acheminer le cacao vers le magasin central. Guibo Breiman, le président du conseil d’administration de la coopérative nous explique que la coopérative s’est dotée d’un camion pour faciliter le ramassage des récoltes. Cependant, lors de la saison des pluies, de nombreux campements et villages sont complètement coupés les uns des autres.

Des cours d’eau saisonniers sortent de leurs lits et les routes deviennent impraticables. La COOPAZA a donc décidé de construire un pont pour la communauté de Soukou-Soukou sur une rivière qui passe non loin de ce village. C’est le deuxième pont que la coopérative fait construire dans la sous-préfecture de Zaranou. « Ce pont va permettre de relier les villages de Soukou-Soukou, Mahounou et Taboa. Cet ouvrage va faciliter l’évacuation de la production de cacao vers le siège de la coopérative et aider les membres de la communauté à se déplacer plus facilement » soutient Christophe Ramdé, délégué de la COOPAZA à Mahounou.

Dans cette stratégie sociale, les jeunes et les femmes ne sont pas oubliés. Le partenariat entre la COOPAZA et le chocolatier Ben & Jerry’s a permis de mettre sur pied le programme Transform B. Un mécanisme de micro-crédit qui permet aux jeunes et aux femmes de pouvoir démarrer des activités génératrices de revenus ou développer celles qui existent déjà. Les bénéficiaires ont pu initier des projets comme des salons de coiffure, des stands de vente de carburant au détail ou des petits commerces. « Toutes ces actions pour la communauté ont été possibles grâce au Fairtrade et je sais que grâce au cacao durable un changement au sein de la communauté est possible » reste convaincu Guibo Breiman président du conseil d’administration de la COOPAZA.

Suy Kahofi

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