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Présidentielle ivoirienne : après la mission de la CEDEAO, l’impasse ?

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Les tensions préélectorales en Côte d’Ivoire ont suscité une mission de la CEDEAO dans le pays pour anticiper une éventuelle crise politique. A l’issue de la mission de l’organisation sous-régionale, les ivoiriens sont partagés.

« Je ne sais pas qui les a invités ici. C’est une mission inutile. Rien de sérieux ». Soro Bema, assis derrière un comptoir de cabine téléphone, visiblement très remonté, entame d’entrée. « Si la CEDEAO veut vraiment aider les ivoiriens, qu’elle demande à Ouattara de le retrait de sa candidature. » On ne peut pas lui reprocher la clarté de sa position.

Doli Christ, la trentaine, estime qu’« au-delà des considérations politiques, je n’en fais pas mais bon… ». Il fait une pause et se reprend « je pense quand-même qu’on en fait tous un peu. Quoique… mais bref, on se comprend » lâche -t-il en souriant avant de se recentrer sur la question « Je pense qu’il faut saluer le sens de la diplomatie préventive de la CEDEAO. C’est très bien dans ce genre de situation d’avoir très rapidement un acteur extérieur, neutre, pour faire en sorte que la communication ne soit pas rompue entre les acteurs internes. S’il y a rupture de communication, le risque que la situation devienne grave s’accroit. Il faut donc saluer la CEDEAO pour cette mission qui pour moi à une grande utilité. » Ces deux interventions sont un parfait résumé du sentiment des ivoiriens sur la mission de la CEDEAO.

Pourtant, cette mission conduite par Shirley Botchway, ministre ghanéenne des Affaires étrangères a cru avoir obtenu ses premiers résultats lorsque le communiqué du gouvernement est tombé en fin de journée de ce mercredi 22 octobre. En effet, à la fin de la mission de l’organisation sous-régionale, un communiqué du gouvernement informait sur les deux principales revendications de l’opposition adressées au cours d’une réunion avec les émissaires de la CEDEAO à savoir : – une restructuration de la commission électorale indépendante avec une personnalité supplémentaire pour l’opposition au poste de vice-président ainsi que la recomposition de CEI locales et comme seconde revendication, une rencontre entre Alassane Ouattara, le président de la République et Henri Konan Bédié, chef de fil de l’opposition. Dans le même communiqué, le gouvernement dit avoir répondu favorablement aux revendications de l’opposition. Ce qui, à priori devrait faire baisser la tension et enclencher une nouvelle étape.

Finalement… aucune avancée

L’opposition appelle à durcir la désobéissance civile (photo DR)

Mais coup de théâtre, peu après la diffusion de ce communiqué du gouvernement, Henri Konan Bédié, candidat du PDCI et Pascal Affi N’Guessan, candidat du FPI, ont tous les deux réaffirmés que le mot d’ordre de désobéissance civile qu’ils ont lancé était maintenu et ont appelé leurs militants à « intensifier les actions partout sur le territoire national ». Ce qui fait dire à Atsé J., étudiant à l’Université Félix Houphouët Boigny de Cocody, que « ce sont tous des comédiens. Ils nous prennent en otage alors qu’on n’a rien demandé. Nous, on souhaite juste faire cours, avoir nos diplômes et avancer. » Selon lui, le problème n’est pas qui sera président. « Mais président pour quoi faire ? voilà toute la question. » Car, martèle-t-il, « jusqu’ici, personne ne parle des problèmes des ivoiriens. Tous veulent devenir président. C’est ce qu’on sait. Mais pour faire quoi, on n’en sait strictement rien. »

Konaté, doctorant en sociologie pointe la responsabilité des ivoiriens. Pour lui, les ivoiriens sont prisonniers de leurs choix. En effet, argumente-t-il « pendant près de 10 ans soit entre 2002 et 2010, une partie du pays ne trouvait aucun point positif à la gouvernance du président Gbagbo. Et depuis 2011 et jusqu’à maintenant, l’autre partie du pays ne trouve aucun point positif à la gouvernance du président Ouattara. On s’est mis dans un schéma de personne et aujourd’hui on demande des projets de société. On n’en a pas le droit. On n’a habitué nos politiques à mettre en avant leur personne et non leurs idées pour améliorer nos conditions de vie. Il faut qu’on assume. »

L’analyste politique Sylvain N’Guessan analyse la situation sur sa page Facebook en quelques lignes. À le lire, la situation est dans une impasse. En effet, revenant sur la décision d’Henri Konan Bédié et de l’opposition, il écrit « Bédié et le PDCI ont accepté de faire bloc avec la coalition mise en place ces derniers mois. Le PDCI ne siégera donc pas à la CEI dans ces conditions ». Il poursuit en indiquant qu’à une semaine de la présidentielle et avec cette prise de position du PDCI d’une part et face à la détermination du gouvernement à organiser les élections au 31 octobre d’autre part, « la pression semble être de tous les côtés. » Car, dit l’analyste, « s’il est difficile à la communauté internationale de demander un report de la présidentielle, sa dernière communication semble reconnaître quelques ‘’irrégularités’’ dans le processus électoral en cours quand elle demande des ‘’ajustements’’ ».

Donc, on se retrouve dans un schéma où, il y a une opposition plus que jamais en bloc, un pouvoir déterminé à maintenir son calendrier électoral et une communauté internationale menée par la CEDEAO pour l’instant, en mal d’inspiration. Et tout ça, à une semaine du scrutin. Vous avez dit impasse ?

Traoré Bakary

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