La réforme hospitalière en Côte d’Ivoire est un instrument de prédation légale au profit d’un clan Ouattara. Une analyse de Théophile Kouamouo.
Ainsi donc, mon intuition était bonne. Le projet de loi “portant réforme hospitalière” en Côte d’Ivoire (dont j’ai reçu copie) consacre la privatisation d’une partie du service public hospitalier ; permet de fausser la concurrence entre les cliniques privées (au profit de quoi ? on peut s’en douter) ; et se pose en pendant de la réforme du code de la santé publique en France, qui permet aux hôpitaux publics français de créer des filiales à l’étranger.
J’ajoute qu’il participera à affaiblir le secteur public, le vrai, au profit des prestataires privés du service public. Je cite et commente quelques articles.
Article 36 : Le service public hospitalier est assuré par les EPH (Etablissements publics hospitaliers) ; les Etablissements Hospitaliers Militaires et Paramilitaires ; les EHP (Etablissements hospitaliers privés) qui participent au service public.
Commentaire : Il y aura donc bel et bien concessions de service public, comme dans le secteur de l’électricité.
Article 47: Les EHP (Etablissements hospitaliers privés) peuvent être admis à assurer l’exécution du service public hospitalier par une convention de délégation.Les modalités d’application l’exécution du service public hospitalier sont définies par décret.
Commentaire : IL Y AURA DONC LES UNS ET LES AUTRES. Les cliniques amies du pouvoir qui auront des juteuses délégations de service public, sur des prestations rentables. Et les cliniques non amies qui se contenteront du secteur concurrentiel ordinaire. Quand on voit qu’Alassane Ouattara Premier ministre a attribué des délégations de service public à ses amis comme Martin Bouygues ; et que président il attribue les licences de télévision privée à sa famille et à son clan… Quand on sait que son clan a construit en quelques années un mastodonte de la médecine privée en achetant à la volée de grosses cliniques… Pourquoi s’imaginer autre chose que l’évidence.
Article 31: Dans le cadre des missions qui leur sont imparties, les EPH peuvent participer à des actions de coopération inter-hospitalière nationale et internationale avec les personnes morales de droit public et privé. Ils peuvent signer des conventions dans le respect des engagements internationaux souscrits par l’Etat de Côte d’Ivoire. Les modalités de coopération inter-hospitalière nationale sont définies par décret.
Commentaire : Cet article permettra aux filiales des hôpitaux publics français de créer des activités rémunératrices auprès des hôpitaux ivoiriens. Comme le prévoyait la loi française de 2015. Bon à savoir : AP-HP International est déjà impliquée au côté du futur CHU d’Abomey Calavi au Bénin en tant qu’assistant à la maîtrise d’ouvrage (https://www.hospihub.com/actualites/ap-hp-international-en-position-d-amo-pour-un-nouveau-chu?fbclid=IwAR01XLBM0q5NnD9W7m6eqDk4jDXh8ANFysR65IFbjNxP2ZwVneQAIyb8KIY).
Article 27 : Les EPH sont habilités, pour tout ou partie de leurs services cliniques et médico- techniques, à passer une convention avec les unités de formation et de recherches des sciences de la santé et disciplines associées, les écoles publiques ou privées de formation du secteur de la santé et connexes selon des modalités fixées par décret.
Article 28 : Les conventions hospitalo-universitaires passées entre les EPH et les unités de formation et de recherches des sciences de la santé et disciplines associées publiques ou privées, précisent notamment les droits et devoirs des enseignants qui interviennent dans les hôpitaux. Ces conventions déterminent l’organisation, les fonctions, les responsabilités et les conditions de travail selon les clauses d’une convention-cadre fixée par arrêté du Ministre chargé de la santé.
Article 29 : Un comité de coordination hospitalo-universitaire veille à l’application des conventions hospitalo-universitaires. Les attributions, la composition, l’organisation et le fonctionnement du comité de coordination sont fixés par arrêté du Ministre chargé de la santé.
Commentaire : Les hôpitaux publics perdent donc leur avantage comparatif : les externes, les internes et tous les étudiants (personnel bon marché permettant de baisser les coûts). Tout le monde pourra désormais avoir accès à ce personnel. Et aussi aux professeurs de médecine, prestigieux professionnels donnant leur crédibilité aux CHU.
Article 92 : Tout personnel médical du public exerçant à titre personnel dans le secteur privé en dehors des conventions, est suspendu de ses fonctions pour une période de trois mois avec suspension du salaire. En cas de récidive, le contrevenant est passible d’une peine d’emprisonnement de six mois à deux et d’une amende de 500 milles à 5 millions ou l’une des deux peines seulement.
Article 93 : Tout établissement hospitalier privé qui emploie du personnel du secteur public en dehors des dispositions prévues par le présent projet de loi s’expose aux sanctions ci-après :
Commentaire : Jusqu’ici, les spécialistes les plus aguerris partageaient leur temps entre les hôpitaux universitaires, qui leur donnaient un salaire fixe mais modeste pour certains d’entre eux, et qui structuraient leur carrière ; et des cliniques privées “riches” où ils avaient souvent des revenus plus confortables. Un mouvement va fatalement s’opérer et il se fera au profit du privé, mais du privé disposant de CONVENTIONS délivrées par l’Etat. Une autre manière de fausser la concurrence entre cliniques, voire de forcer les dernières grosses cliniques indépendantes à devenir des filiales du groupe médical “du clan”.
Voici le projet de loi en question : https://app.box.com/s/nfbwq9515zdkj1wylwbq6oprvbpjoei9
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