La Côte d’Ivoire est confrontée au défi de la pauvreté des producteurs de cacao. De nombreux rapports d’étude aussi bien des ONG que des organisations internationales démontrent que producteurs de cacao en Côte d’Ivoire sont les plus pauvres de la chaîne de valeur du cacao (1, 2, 3). L’étude la plus emblématique est celle réalisée par le BASIC qui montre le schéma de la répartition de la valeur de la chaîne du cacao. Le commerce équitable permet d’atténuer ce gap grâce aux primes. Au-delà d’améliorer directement les conditions de vie des producteurs, ces primes sont un excellent moyen de booster le développement communautaire.
Le visiteur d’un jour qui arpente les sentiers qui mènent à Konan Kouakoukro en passant par Babokon ou Yaoblékro sera sans doute attiré par l’omniprésence de deux logos sur de nombreuses réalisations. Il s’agit de celui de Fairtrade et de la Coopérative Bassadougou de Dies (COOBADI-COOP-CA). La COOBADI est située dans la localité d’Hermankono-Diès dans le département de Divo (région du Lôh-Djiboua) dans le sud de la Côte d’Ivoire.
Cette coopérative est forte de 1823 membres répartis en 23 sections. Elle est certifiée commerce équitable et s’engage dans plusieurs mécanismes de protection de l’environnement, de lutte contre le travail des enfants dans la cacaoculture, de gestion durable des pesticides et de protection de la faune.
« Depuis la création de la coopérative notre objectif a toujours été d’accroitre notre production tout en respectant les exigences de nos partenaires en matière de cacao durable. La certification nous a permis d’être éligible à plusieurs programmes de formation qui ont contribué pour beaucoup à l’amélioration de notre organisation et nous a permis d’être une coopérative plus compétitive » nous explique Koné Ibrahim, président du conseil d’administration (PCA) de la COOBADI.
Le PCA de la COOBADI nous explique que le bienêtre des producteurs est l’objectif premier que s’est fixé le père fondateur de la coopérative feu Koné Moussa dit Moussa Djan. « Moderniser la coopérative tout en veillant à ce que la communauté profite du fruit des plantations de cacao a toujours été sa vision » témoigne Koné Ibrahim. Faire profiter la communauté des fruits du cacao durable et du commerce équitable c’est bien ce que fait aujourd’hui la COOBADI.
Education et santé grâce au commerce équitable
Dans de nombreux départements de la Côte d’Ivoire, l’éloignement des écoles du lieu de résidence des élèves est un facteur d’abandon scolaire ou de scolarisation tardive. C’était le cas avec les enfants de Nouveau Quartier, un campement enclavé dans la sous-préfecture de Dairo Didizo, département de Guitry.
« L’âge normal pour l’école est de 6 ans pour le CP1 (cours élémentaire première année). Cependant les parents étaient obligés d’inscrire les enfants au CP1 à l’âge de 8 ou 10 ans car à 6 ans, ils étaient trop petits pour parcourir 16 kilomètres en aller et retour chaque jour pour rallier le village le plus proche où se trouve l’école primaire » témoigne Konan Amenan Charlotte, une productrice de cacao.
Le rêve des parents était de voir l’école se rapprocher de leurs enfants surtout qu’autour de Nouveau quartier vivent d’autres producteurs dans les campements de Konan Kouakoukro, Zéga Koffikro, Pierrekro et Amanikro. Les cinq campements forment l’une des 23 sections de la COOBADI et les producteurs sont engagés dans le respect des normes du cacao durable.
« Nous avons souhaité que la COOBADI nous aide à résoudre ce problème, celui de l’absence d’une école primaire car en réalité, ce qui nous servait d’école était juste des hangars faits de paille et de branchage » indique Yenoupo Sékongo, directeur de la coopérative locale de cacao. En effet, pendant les saisons pluvieuses les enfants étaient obligés de rester à la maison pour ne pas abîmer leurs fournitures car les toitures des hangars laissaient couler l’eau.
Afin de soulager les enfants et les parents d’élèves, la COOBADI a offert aux communautés un bâtiment de trois classes et deux logements d’enseignants en mars 2022. Ces bâtiments modernes sont venus remplacer les hangars de fortune sous lesquels les enfants étudiaient sous la supervision de bénévoles.
Aujourd’hui grâce à cette école baptisée EPP Konan Kouakoukro, les bénévoles qui encadraient les élèves ont été remplacés par des enseignants affectés par l’Etat de Côte d’Ivoire. Cette école moderne permet désormais aux enfants d’être scolarisés à partir de 5 ans. Logbo Ben, directeur de l’EPP Konan Kouakoukro invite les parents à scolariser leurs enfants « car le cadre est désormais propice à l’apprentissage ».
Les actions sociales de la COOBADI ne se limitent pas à l’éducation. « La coopérative a procédé à la réhabilitation de la maternité et a fait don d’une ambulance médicalisée à l’hôpital de Hermakono-Diès. Il s’agit d’une contribution pour le bienêtre des populations » indique Devis Konan, responsable de la durabilité à la COOBADI. Le major du Centre de Santé Urbain (CSU) de Hermakono-Diès, Franck Amalaman, nous explique que « par le passé, les évacuations sanitaires étaient difficiles non seulement en raison de l’état de la route mais aussi en raison de l’absence d’une ambulance ».
Grâce au don de la COOBADI, le CSU peut désormais transférer les malades en toute sécurité vers des centres hospitaliers plus équipés en cas d’urgence. Toujours dans la dynamique d’un meilleur accès des communautés aux soins de santé, la coopérative a offert au village de N’Drikro un dispensaire plus un logement d’infirmier. Les populations attendent l’affectation du personnel de santé par le gouvernement ivoirien.
Des AGR pour les femmes
La Côte d’Ivoire a officiellement recensé depuis 2020 un peu plus de 993.000 producteurs de cacao dont 92% sont des hommes et 8% des femmes. Il s’agit d’une sous-représentation des femmes qui est effective sur le plan local. La COOBADI a décidé de lutter pour réduire ce déséquilibre en mettant en place deux mécanismes.
« Nous encourageons les producteurs de cacao à céder à leurs femmes des lopins de terre pour pratiquer une activité agricole ou produire leur propre cacao. Ceci aide à booster l’accès des femmes à la terre. A côté de cela, nous encourageons les activités génératrices de revenus pour l’autonomisation des femmes » souligne Koné Ibrahim, président du conseil d’administration (PCA) de la COOBADI.
C’est dans le cadre du développement des AGR, qu’un partenaire de la COOBADI accompagne l’Association Espérance des Femmes de COOBADI. Cette association regroupe les productrices et femmes de producteurs de cacao de la coopérative Bassadougou de Dies.
« Grâce au projet Transform B avec le chocolatier Ben & Jerry, nous avons développé une unité de transformation du manioc. Nous produisons principalement de l’attiéké. Les femmes cultivent elles-mêmes le manioc, assurent la récole et se répartissent toutes les activités de production » détaille Huguette Zouzoua, coordinatrice de l’Association Espérance des Femmes de COOBADI. Le partenariat lié au commerce équitable a permis de doter l’association du matériel de transformation du manioc.
Au sein de leur unité de travail, les femmes produisent en moyenne une tonne d’attiéké par semaine. La production est vendue sur le marché local ou dans les villes et villages avoisinant Hermakono-Diès. Le bénéfice de la vente est réparti équitablement entre toutes les femmes.
Nalégaman Soro Béatrice, secrétaire de l’association et mère de trois enfants nous explique que par le passé, elle devait se contenter d’un petit commerce qui lui rapportait entre 2 et 3 dollars par jour. Ce qui était de loin insuffisant pour participer aux charges de sa famille. « Aujourd’hui, avec ce que je gagne dans la production d’attiéké, je participe à la scolarisation de mes enfants et je participe plus aux charges de la famille » avance heureuse Nalégaman Soro Béatrice.
Une meilleure organisation des producteurs
La Coopérative Bassadougou de Dies (COOBADI-COOP-CA) s’est mieux structurée grâce aux différents mécanismes auxquels elle a adhéré dans le cadre du commerce équitable. Cela se matérialise par la mise en place et le respect de différentes procédures. L’une de ces procédures est la gestion durable des pesticides qui vise à garantir la sécurité des producteurs et de leurs familles.
Désormais, les producteurs ne s’occupent plus directement de la pulvérisation de leurs plantations et de la gestion des emballages de produits phytosanitaires. La coopérative a formé des applicateurs, un groupe de spécialistes chargés de la pulvérisation manuelle des plantations de cacao. Ils sont formés au dosage des produits phyto, à la bonne gestion des emballages, à la sécurité des personnes et des aliments.
La pulvérisation des plantations se fait selon un programme. « Les applicateurs viennent récupérer directement les produits phytosanitaires au siège de la coopérative. Le jour de la pulvérisation, ni les producteurs, ni leurs familles n’ont accès à leurs plantations. Lorsque nous avons fini notre travail, le producteur doit patienter trois jours avant d’aller dans sa plantation et une semaine avant de consommer un aliment venant d’une plantation traitée » précise Yao Kouadio Jules, un des applicateurs de la COOBADI.
Que deviennent les emballages des produits phyto ? « Avant la mise en place de la procédure de gestion durable par la COOBADI, les producteurs revenaient à la maison avec les emballages vides. Ils étaient lavés pour servir de gobelets, les femmes à la cuisine les utilisaient comme des boîtes à sel et les enfants les utilisaient pour jouer » explique Kouadio Yao Hyppolite, un producteur de la section de Yaoblékro.
Aujourd’hui, les producteurs de cacao et leurs familles ne sont plus exposés aux dangers des produits toxiques. « Les produits phytosanitaires certifiés et homologués sortent directement des réserves de la coopérative. Une fois l’épandage achevé, les emballages vides sont ramenés au siège de la coopérative et retournent vers les fournisseurs en toute sécurité » indique Konan Kouadio Devis, un des responsables de la durabilité à la COOBADI.
D’autres procédures de bonne gouvernance et de gestion durable respectées par la COOBADI concernent la protection de la flore et de la faune à travers l’interdiction de la chasse de certaines espèces protégées, l’interdiction d’abatage d’essence rares ou protégées, la lutte contre le travail des enfants dans la cacaoculture et la promotion de l’agroforesterie.
Suy Kahofi
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