Qu’est-ce que la santé publique ?
La 3ème conférence annuelle dédiée à la santé publique en Afrique (CPHIA 2023) se tient à Lusaka en Zambie. La notion de santé publique revient constamment lors des échanges et des panels. Que renferme la notion de santé publique et quels sont ses objectifs ? Elément de réponse avec Professeur Traoré Youssouf, spécialiste de santé publique épidémiologie, enseignant à l’Université Félix Houphouët Boigny (Faculté de médecine d’Abidjan) et médecin en fonction à l’Institut National d’Hygiène publique de Côte d’Ivoire.
Il existe une définition académique de la santé publique mais Professeur Traoré Youssouf préfère la simplifier en expliquant que « la santé publique est une science qui regroupe tout ce qui permet de prendre en charge, au niveau sanitaire, un maximum de personne ». Cette prise en charge a pour but « de prévenir la survenue des maladies, prolonger la vie de chaque personne et promouvoir la santé des individus et des communautés ».
Le développement et la promotion de la santé publique se fait « par le biais d’un effort collectif et organisé d’où la notion de système de santé publique ». « Qui dit système de santé publique dit comment les chercheurs, le personnel de santé, les laboratoires, les leaders communautaires et même le citoyen travaillent ensemble pour que la maladie ne puisse pas atteindre un individu ou à travers lui un plus grand nombre de personne » détaille Professeur Traoré Youssouf. Dans ce schéma de collaboration, le système de santé publique est à même de faire de la prévention, détecter de façon précoce les maladies et organiser plus efficacement la riposte sanitaire.
Contrairement aux idées reçues, la santé publique n’est pas exclusivement financée par le service public, donc par les seuls moyens des Etats. Professeur Traoré Youssouf tient à préciser que la santé publique est un engagement conjoint du public et du privé. Il s’agit de « tout ce qui va concourir à ce que les populations puissent se sentir bien ». Cette confusion est liée au fait que le public n’arrive toujours pas à faire la différence entre la santé publique et la médecine clinique.
« Pour vous expliquer les choses simplement je vous dirais que dans le domaine de la médecine clinique, lorsqu’un patient arrive dans une structure sanitaire, le médecin diagnostique sa maladie : il s’agit d’un cas. Alors qu’en santé publique la santé n’est pas pensée de façon individuelle mais de façon globale » nous explique Professeur Traoré Youssouf.
La santé publique repose également sur plusieurs piliers qui sont au nombre d’une vingtaine de domaines clairement identifiés par le règlement sanitaire international. « Parmi ces fondements de la santé publique nous pouvons citer à titre d’exemple les systèmes de laboratoire, la surveillance sanitaire aussi bien chez les humains que les animaux (zoonoses), la coordination, la prévention et le contrôle des infections, le financement, les instruments juridiques, les points d’entrée et les interventions liées aux urgences chimiques » énumère Professeur Traoré Youssouf.
L’efficacité des systèmes de santé publique repose surtout sur la collaboration comme l’a indiqué d’entrée de jeu Professeur Traoré Youssouf. Cette collaboration ne se limite pas seulement à l’échelle nationale mais elle implique de plus en plus une dimension transfrontalière et internationale. Les pandémies comme Ebola ou le Covid-19 ont montré qu’aucun système de santé publique ne peut faire face tout seul à une menace sanitaire. « Nos pays doivent se parler et renforcer cette collaboration à tous les niveaux notamment dans les domaines de la recherche et de la surveillance épidémiologique afin de mieux faire face aux risques sanitaires » conclut Professeur Traoré Youssouf.
Suy Kahofi, envoyé spécial à Lusaka
