Sommet UE-UA : L’Association Tournons la page interpelle Macron et les dirigeants européens
Le sommet Union Africaine-Union Européenne s’est ouvert ce mercredi 29 novembre 2017 à Abidjan. L’Association française Tournons la page a interpellé lors d’une conférence de presse ce mardi 28 novembre les dirigeants européens sur les véritables problèmes qui minent l’Afrique, surtout après l’interdiction du contre-sommet de la société civile.
C’est toujours la colère et l’indignation. Après l’interdiction par la police le mardi 28 novembre du troisième et dernier jour du forum citoyen organisé par la société civile à la Bourse du Travail de Treichville, les voix continuent de s’élever pour dénoncer cet acte. Pour Kraba Gnako, président du comité de coordination de l’organisation du forum citoyen d’Abidjan, les autorités ivoiriennes ont « violé le siège de la bourse du travail » en demandant à la police d’empêcher la poursuite de cette rencontre internationale de la société civile.
Pourtant, le Premier ministre, le ministre des affaires étrangères, le ministre de l’intérieur ont été saisis pour la tenue de ces assises l’itinéraire de la marche – qui devait avoir lieu mardi 28 novembre après-midi entre la bourse du travail et le pont Félix Houphouët-Boigny, donc sur un périmètre très réduit – a été défini de concert avec la mairie de Treichville et la police.
« L’autorité de police nous a confirmé sa disposition à accompagner la sécurisation de la marche et nous a recommandés si possible de louer des forces de police supplémentaire. Ce que nous avons fait. Nous avons payé pour l’équivalent de six policiers qui devaient encadrer la marche. Nous avons payé 60 000 francs Cfa », rappelle Kraba Gnako lors de cette conférence de presse qui s’est déroulée au Centre épiscopale régionale de l’Afrique de l’ouest (CERAO) à Cocody. Il juge inadmissible la tournure des événements.
« Il y a une volonté délibérée de violer les droits d’expression élémentaire même quand ces droits s’inscrivent dans une démarche parfaitement légale. Je trouve ça pour le moins anormal », déclare-t-il, indigné : « Nous avons eu l’occasion de faire connaitre le visage de la démocratie en Côte d’Ivoire. En organisant un événement et en le faisant le plus pacifiquement et le plus démocratiquement possible, on a abouti à l’expression du non droit. Et ça c’est aussi une contribution que nous faisons à l’information de nos amis d’ici et d’ailleurs qui très souvent se laissent abuser par des images du faux semblant démocratique ».
Laurence Ndong, de ‘Tournons la page’ Gabon, qui était présente en janvier dernier au contre-sommet organisé à Bamako (Mali) à l’occasion du sommet Afrique-France où tout s’est bien déroulé, regrette l’interdiction de la rencontre de la société civile à Abidjan. « C’est surprenant pour la Côte d’Ivoire qui donne à l’extérieur un visage de démocratie. On aurait pu s’attendre à tout mais franchement pas qu’une marche pacifique, citoyenne soit interdite encore moins qu’un lieu qu’un lieu comme la bourse du travail soit violé par la police et que l’on mette dehors des participants qui viennent quand même d’autres pays du monde », s’offusque-t-elle, avant d’accuser : « Je crois qu’on est là dans une violation des droits humains qui est grave et qui est honteuse pour le gouvernement ivoirien, qui derrière s’apprête à recevoir les autres présidents de la république ».
L’alternance démocratique réclamée
L’organisation pense par ailleurs que le 5ème sommet Union Africaine Union Européenne ne doit pas se focaliser sur les questions économiques et sécuritaires mais il doit également accorder une priorité aux préoccupations sur le continent africain, notamment les besoins en infrastructures de base, la formation, emploi ou encore la cruciale problématique de la migration qui prend de l’ampleur. « La question de l’immigration touche les jeunes. Le problème c’est que ce forum ne s’attarde qu’à résoudre les effets de la migration et pourtant les causes profondes de la migration sont-là », analyse Kamadji Demba Karyom de la coordination ‘Tournons la page’ Tchad.
Elle estime que c’est l’insuffisance de démocratie en Afrique qui ne permet pas aux jeunes de s’épanouir qui pousse ces derniers à migrer en Europe à la recherche d’un mieux-être. Brigitte Ameganvi de l’Association Synergie-Togo et membre de la coordination de ‘Tournons la page’ observe que les jeunes désespérés braves le désert et la méditerranée au péril de leur vie « tout simplement parce qu’on ne leur offre pas un avenir, on ne leur offre pas les conditions nécessaires dans leurs pays pour qu’ils puissent exprimer leur créativité, le dynamisme et entrepreneuriat ».
Les ONG réclament plus que jamais plus d’encrage démocratique sur le continent et surtout l’alternance. « Notre problème, c’est l’alternance démocratique parce que ceux qui dirigent l’Afrique aujourd’hui, la plupart sont illégitimes. Ils ne sont pas démocrates. Et continuer de discuter avec eux, les mêmes causes entraînent les mêmes effets », tranche Laurence Ndong.
Cette membre de ‘’Tournons la page’’ Gabon souligne que l’Afrique a besoin de bons interlocuteurs sinon les bonnes résolutions y compris ceux de ce sommet UA-UE resteront de pieuses intentions sans véritables impacts pour les populations.
« Si l’Afrique n’est pas développée c’est pas tant parce qu’elle manque de l’argent, ce n’est pas parce qu’elle manque de ressources mais c’est parce que ceux qui la dirigent font le choix de la piller. Et ces questions-là évidemment ne vont pas être abordées pour le politiquement correct. Donc on va revenir discuter avec les mêmes que l’on sait que ce sont eux qui privent leurs populations de liberté, ce sont eux qui musellent, ce sont eux qui truquent les élections », interpelle-t-elle.
En tout cas, dans la déclaration finale du forum citoyen d’Abidjan, la société civile réclame notamment des politiques qui apportent des solutions durables aux préoccupations de la jeunesse africaine et récuse les accords de partenariat économique (APE) qualifié de « partenariat de dupe », déséquilibré et défavorable à l’Afrique.
Anderson Diédri