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Terrorisme : l’Afrique de l’ouest entre déradicalisation et lutte armée

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Ces 5 dernières années, les groupes terroristes qui pullulent en Afrique de l’ouest ont montré leur capacité à toucher n’importe quelle cible dans n’importe quel pays de la sous-région. Les attentats sont devenus monnaies courantes avec leur lot de morts et de vies brisées. La terreur pourtant imposée par ces groupes ne décourage pas les Etats ouest-africains et leurs partenaires résolument décidés à lutter contre ce fléau.

Vendredi 2 mars 2018, Ouagadougou…bruit de bottes, d’explosion et de tirs nourris. Les premiers confrères joints dans la capitale burkinabé parlent d’évènements qui se déroulent dans la zone du siège de l’Etat-major des armées burkinabè et l’ambassade de France. Dans les minutes qui suivent, de nombreux médias relaient l’information en orientant leurs analyses dans la foulée vers une nouvelle attaque terroristes. La suite des combats leur donnera raison : des éléments du GSIM – Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans – viennent de frapper !

Leur leader Iyad Ag Ghaly, un Touareg malien revendique l’attaque qui fera 16 morts dont 9 assaillants. Contrairement aux attentats des cafés Cappuccino le 15 janvier 2016 avec ses 30 morts ou celui de l’Aziz Istanbul (13 août 2017-19 morts), le GSIM veut montrer qu’il a désormais la capacité de s’attaquer à des cibles plus importantes et mieux protégées au Burkina Faso. Une évolution qui ressemble à celle de Boko Haram au Nigeria. Le petit groupe que l’armée nigériane qualifiait « de voleurs de chèvres », est arrivé à prendre le contrôle de villes entières et de vastes territoires pillant et égorgeant d’innocents civils sur leur passage.

Abubakar Shekau va pousser son audace bien plus loin en ‘contaminant’ le Niger et le Cameroun. Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) en avait fait de même en quittant son aride désert pour frapper la Côte d’Ivoire un 13 mars sur la paisible plage de Grand Bassam. Cette audace des groupes terroristes qui dans un passé récent pouvait s’expliquer par la volonté « d’étendre leur califat » se justifie aujourd’hui par un besoin vital d’anticiper la lutte à grande échelle que s’apprêtent à livrer les pays de la sous-région. Les groupes terroristes font face à des armées qui ont appris de leurs erreurs du passé.

La coopération militaires, l’engagement commun des armées notamment dans la bande sahélo-saharienne, le renseignement militaire, la formation anti-terroriste et les moyens militaires consacrés à la lutte inquiètent les groupes terroristes. Des organisations qui se sont développées de manière fulgurante dans la foulée de la chute régime de Muammar Gaddafi et l’instabilité politique au Mali quelques mois plus tard. Des armes à profusion et à bas prix, un désordre généralisé dans le sahel, des soldats corrompus et nourris au blanchiment d’argent…autant de conditions qui ont favorisées la croissance du terrorisme.

Puis, ces groupes armés ont commencé « à vivre de la criminalité transfrontalière organisée » notamment celui « de la drogue, des armes et de la contrebande de divers produits » comme la cigarette indique William Assanvo, coordonnateur observatoire régional pour l’Afrique de l’ouest de ENACT Afrique. Cette corrélation entre la criminalité transfrontalière organisée et le terrorisme va aussi aider ces organisations prétendant tuer et voler au nom de l’islam à se rapprocher voire fusionner.

Des balbutiements à une meilleure organisation

Malgré la violence des attentats, les pays de la bande sahélo-saharienne refusent de céder face au terrorisme

Alors que sonne l’heure du carnage pour les groupes terroristes, rares sont les armées de la sous-région ouest-africaine qui sont réellement formées à faire face à cette menace relativement nouvelle. Les hésitations dans le déploiement des unités, la communication ratée après chaque attentat ainsi que le manque de professionnalisme des forces de l’ordre témoignent de cette période où les groupes terroristes se croyaient invincibles. A cela s’ajoute un climat de terreur entretenu par les groupes djihadistes autour de connexions qu’ils auraient au sein des armées régulières sans oublier la psychose alimentée via les réseaux sociaux et des médias en ligne qu’ils dirigent.

Cependant, l’intervention française dans le nord du Mali et la naissance d’un front sahélien contre le terrorisme va semer une certaine panique dans le camp des djihadistes. La mort de Mokhtar Belmokhtar dans le massif des Iforas va entrainer de nouveaux attentats perpétrés dans une certaines précipitations notamment au Burkina Faso. Malgré cette tentative de terroriser d’avantage les populations, le G5 Sahel se met en place. Les djihadistes accumulent les pertes. Les opérations au Mali permettent d’en neutraliser plusieurs quand Boko Haram recule au Niger.

Lors des missions conjointes coordonnées par le PC de Barkhane, des caches d’armes, des véhicules et du matériel militaire sont saisis ou détruits. Frilosité, doute et incertitude s’installent au sein des katibas ! Et cela devient encore plus grave alors que s’approche à grand pas le bouclage du budget du G5 Sahel. 414 millions d’euros ont déjà été réunis le 23 février dernier lors d’un sommet des donateurs à Bruxelles en Belgique.

Une présence militaire plus accru dans la bande sahélo-saharienne, une meilleure coordination des armées dans le renseignement et les opérations de terrain vont transformer chaque dune de sable et chaque grotte en piège mortel pour les terroristes…ils le savent. Avec la force française Barkhane d’un côté et les militaires du G5 Sahel qui maîtrisent chaque jour un peu plus le désert, le règne des groupes terroristes est désormais incertain. A la mobilisation des combattants d’Allah dans le Sahel se substituera sans doute la défection comme au Niger avec les ex-combattants de Boko Haram.

Dans ce pays, un modèle de déradicalisation des ex-combattants est expérimenté. « Nous allons mettre en œuvre un programme de déradicalisation. Nous allons progressivement les préparer (les ex-combattants NDLR) à leur réinsertion sociale » a indiqué le mercredi 28 décembre 2017 le ministre nigérien de l’intérieur et de la sécurité publique Mohamed Bazoum dans la ville de Diffa. L’amnistie et une formation pour un retour à une vie normal pour ceux qui déposent les armes. Le Niger mise donc sur le pardon, l’emploi, la promotion du civisme et le renforcement de l’éducation religieuse pour isoler Boko Haram.


Lutte contre la radicalisation

Aux abords de la mosquée de Dieuppeul-Derklé à Dakar Ibrahima Sow chapelé en main après la prière du vendredi refuse d’admettre que « ceux qui sont des terroristes sont de bons musulmans ». Il n’est pas le seul à le penser mais « leurs agissements et leurs revendications au nom d’Allah » ont fini par « ternir l’image de l’islam » renchérit Ndeye Daba une étudiante de l’Université Cheick Anta Diop. Alors crier sous tous les toits « qu’ils ne sont pas de bons musulmans ou qu’ils font de la mauvaise publicité à l’islam et son prophète » ne résoudra pas le problème conclu la jeune femme.

Selon elle, la lutte contre la radicalisation dès les madrassas [établissement d’enseignement dirigé par des religieux dans les pays musulmans] et les mosquées est « la seule façon de contrer les faux enseignements des groupes islamistes ». La lutte contre un l’islam radical doit devenir une priorité pour tous les pays de la sous-région. La laïcité est un principe affiché par la quasi-totalité des Constitutions des pays touchés par le terroriste. Cependant, dans certains pays comme le Mali ou le Niger, le nombre de fidèles musulmans reste très élevés.

L’islam modéré prend ses distances du terrorisme

Les prêches enflammés, les appels à la violence contre les autres religions, la promotion de pratiques dégradantes et inhumaines au nom de la religion doivent être proscrits dans les mosquées et les établissements religieux. Les guides religieux doivent y veiller et ne pas hésiter à rappeler à l’ordre ceux qui sont tentés par cette aventure visant à imposer une suprématie de l’islam par les armes.

La lutte contre la radicalisation « reste une entreprise assez difficile » fait remarquer Babacar Ndiaye, chargé des opérations de WATHI, le think tank citoyen de l’Afrique de l’ouest basé à Dakar. Il s’agit selon lui d’un effort collectif de différents acteurs que sont les « religieux, les organisations chargés des cultes et dans les pays à forte majorité musulmane les confréries ». C’est en agissant d’un commun accord et dans une stratégie coordonnée que la prévention contre l’extrémisme religieux pourra se faire.

Et l’élément le plus important dans la stratégie de lutte contre le discours religieux violent et la radicalisation reste la veille sur la base d’un système d’alerte précoce visant à détecter et isoler les radicaux.

SUY Kahofi

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