L'actualité ivoirienne sans coloration politique

‘Une minute de silence’ pour le 11 avril à travers l’objectif d’Armand Breh

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11 avril 2011 – 11 avril 2020, voici 9 ans que la Côte d’Ivoire a tourné la page de la crise post-électorale qui aura fait 3000 morts. Une période sombre de la vie ivoirienne que le producteur et réalisateur Armand Breh a immortalisé à travers sa fiction ‘Une minute de silence’.

« Le 4 avril 2011 à 16 h 04, j’ai eu l’idée de faire ce film parce qu’en direct j’ai vu les hélicoptères des Nations Unies (ONUCI) bombarder le camp militaire d’Akouédo (Abidjan-ouest). Je suis habitué à manipuler les images avec des logiciels de montage, mais cette fois-ci c’était des images réelles ! » expliquait Armand Breh en avril 2014, lors de la première du film. Loin d’être une fiction classique de bout en bout, le réalisateur et son équipe ont réussi à faire un excellent mélange d’images réelles captées dans le vif des bombardements d’Abidjan et une représentation assez réaliste d’une histoire vraie. Trame d’un court métrage qui campe les dernières heures de vie d’Innocent K, le film est le résumé de la triste fin d’un jeune homme dans la fleur de l’âge qui le 4 avril est fauché par une balle perdue et arraché à l’affection des siens.

L’énigme d’un héros muet

Le personnage principal du film porte un handicap assez parlant : il est muet. Une manière pour Armand Breh de matérialiser cette incapacité des Ivoiriens à parler, à se faire entendre alors que le dialogue était laissé aux bombes, aux bruits de bottes et de mitraillettes. Yann Patrick Konan, un des acteurs du film avait insisté sur le fait que « l’idée du personnage principal muet est surtout pour retranscrire l’idée que ce film est la voix des sans voix ». Le réalisateur derrière sa caméra et sa table de montage reste convaincu cinq ans après la sortie du court métrage qu’aucune « raison ne justifie ce qui est arrivé sauf qu’il y a eu des dégâts collatéraux ».

Le producteur et réalisateur ivoirien Armand Breh (photo Armand Breh)

« À la base, ce film était une auto-thérapie. J’ai vécu les différentes crises militaro-politiques ivoiriennes comme ‘un viol’ depuis le 24 décembre 1999 mais surtout à partir du 19 septembre 2002 qui a finalement déboucher sur la crise qu’on a vécu en 2011. D’une manière générale, chaque ivoirien a vécu cette crise à sa façon. Ma vérité ne sera donc pas celle partagée par de nombreux compatriotes. Cependant, j’ai la chance de d’exercer un métier qui me permet de laisser des traces, pour la mémoire collective, pour l’histoire. Avec quelques amis qui pour la plupart font partie de mon équipe à présent, nous avons réalisé ce modeste cliché photographique de cette période sombre de notre histoire. À chacun d’en tirer les leçons qui lui convienne ».

Tirer des leçons de la marque laissée par la guerre et les dégâts matériels mais surtout humains qu’elle a laissé derrière elle : officiellement 3000 morts…peut-être plus.

Apprendre des erreurs du passé

Armand Breh a voulu immortaliser cette période d’à peine une semaine en ce début du mois d’avril 2011 et surtout mettre en lumière la souffrance d’un peuple ivoirien oublié par deux camps qui se battaient pour un fauteuil présidentiel. Première réelle fiction sur la crise ivoirienne, ‘Une minute de silence’, a été réalisé en grande partie avec des jeunes acteurs qui jouaient pour la plupart leur premier rôle. Une première réussie pour eux avec – en bonus – en bande originale la voix d’un homme qui n’est pas à sa première en matière de texte engagé. Le rappeur franco-congolais, Youssoupha le lyriciste bantou, a autorisé l’utilisation de son titre ‘Rap Franc CFA’, texte dans lequel il a justement une pensé pour le « courageux peuple de Côte d’Ivoire ». Du courage il en faudra aux ivoiriens en cette année électorale pour pouvoir vaincre les démons de division d’où l’appel d’Armand Breh.

« Je penses qu’a ceux qui ont réellement vécu 2010 en Côte d’Ivoire, je n’ai rien à leur dire. Cependant, la plupart de ceux qui avaient 10 ans de moins au moment des faits, auront le droit de voter cette année. À ceux là, je veux leur dire de ne pas se laisser instrumentaliser par des hommes politiques qui ne se souviennes d’eux que lorsqu’il s’agit de servir leurs intérêts. Pour reprendre l’adage, la politique c’est en gros des gens qui ne se connaissent pas qui entre-tuent pour le compte de personnes qui se connaissent très bien. Premier gaou n’est pas gaou… C’est deuxième gaou qui est gnata ».

La plus grande leçon du court métrage ‘Une minute de silence’ c’est que chaque ivoirien puisse tirer une leçon des affres de la guerre pour un avenir socio-politique meilleur pour sa patrie.

Ebony T. Christian, Anderson Diédri & Traoré Bakhary

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