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Trafic d’être humain dans le cacao : Nestlé et Cargill clament leur innocence

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Les entreprises Nestlé USA et Cargill ont demandé mardi à la Cour suprême des Etats-Unis de mettre un terme à des poursuites qui les visent pour complicité de travail forcé d’enfants dans des plantations de cacao en Côte d’Ivoire.

Nestlé et Cargill sont engagés dans une procédure judiciaire dans une action basée sur la violation présumée de deux dispositions de droit selon l’accusation. Le premier est l’Alien Tort Claims Act (loi sur les délits civils contre les étrangers) et le second, le Torture Victim Protection Act (loi sur la protection des victimes de torture). Les deux entreprises font face à des accusations assez graves formulées contre elles par six ressortissants maliens et Global Exchange, une organisation des droits de l’homme. Le 14 juillet 2005, les plaignants ont intenté un recours collectif contre Nestlé, Archer Daniels Midland et Cargill.

Face à une cour fédérale californienne, les six individus décrivent des faits relatifs au trafic d’être humain dont ils auraient été victimes. Pris au Mali en tant qu’enfants esclaves, ils auraient été forcés à travailler dans des plantations de cacao en Côte d’Ivoire. Pour rappel, la Côte d’Ivoire était en proie à une crise militaro-politique en 2005. La question du travail des enfants dans la cacaoculture était devenue un enjeu politico-économique important, un moyen pour les puissances étrangères de faire pression sur le régime Gbagbo selon les critiques proches du pouvoir d’Abidjan à l’époque.

Les six maliens estiment avoir « été forcés à travailler durant de longues heures sans être payés », restant « enfermés dans des pièces lorsqu’ils ne travaillaient pas », et « auraient souffert d’abus physiques graves de la part de ceux qui les gardaient ». Si Cargill et Nestlé sont épinglés, c’est parce qu’elles sont surtout accusées de complicité. Les plaignants avancent que les entreprises « ont échoué à empêcher les actes de torture, le travail forcé et la détention arbitraire dont ils ont souffert en tant qu’enfants esclaves ». Bien qu’ayant saisi une juridiction américaine, cette requête peut-elle aboutir ?

La procédure dure déjà depuis 15 ans et a connu diverse fortune même si dans la forme elle semble avoir été ‘légitimée’ par des tribunaux fédéraux en vertu de la violation possible de l’Alien Tort Statute. Cette loi de 1789 a été pensée pour lutter contre les actes de piraterie. Mais selon un spécialiste du droit américain, son « interprétation actuelle touche plusieurs autres domaines du droit outre Etats Unis notamment sur les questions des droits de l’homme impliquant des entreprises américaines ou étrangères ». Des défenseurs des droits humains s’inquiètent cependant des restrictions imposées par la Cour suprême à cette loi décidée lors de plusieurs affaires. En 2018 par exemple, la Cour fait interdire notamment les poursuites contre des entreprises étrangères. C’est dans cette brèche que tentent de s’engouffrer Nestlé et Cargill en demandant désormais que soit exclu des poursuites les entreprises américaines aussi bien pour les actes qu’elles auraient pu commettre ou pour lesquels elles sont citées comme complices.

« Si on n’y prête pas garde, des poursuites de ce type vont proliférer, durer des décennies et porter atteinte à notre politique étrangère » a plaidé l’avocat des deux entreprise, maitre Neal Katyal. De son côté l’avocat des plaignants, maitre Paul Hoffman persiste et signe, les deux entreprises ont « maintenu le travail forcé d’enfants dans leur chaîne d’approvisionnement pour garder un avantage compétitif sur le marché américain ». La Cour suprême des Etats Unis doit rendre sa décision avant la fin juin 2021.

SUY Kahofi & Anderson Diédri

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