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Un avion-cargo C-130 de l’armée française a-t-il atterri dans le nord de la Côte d’Ivoire ?

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Egountchi Behanzin se présente comme un influenceur panafricaniste qui par ces vidéos et autres analyses attire de plus en plus d’abonnés sur ces pages et comptes officiels (Facebook, X et Telegram). Comme ses compères, son sujet d’analyse favoris est la présence française en Afrique et la chasse aux pays qu’il présente comme les soutiens africains de la France. C’est dans cette logique que le mardi 2 janvier 2024, il publie une information selon laquelle un avion militaire français s’est posé dans le nord de la Côte d’Ivoire. En réalité cette information est totalement infondée.

Egountchi Behanzin lance le 02 janvier une alerte sur sa page Facebook officielle. « Après le débarquement de 300 à 700 soldats blancs au nord du Togo, à la frontière avec le Burkina Faso, nous apprenons maintenant qu’un avion CARGO de l’armée d’occupation française a été repéré par un satellite au nord de la côte d’Ivoire » indique dans un premier temps le texte.

« Le CARGO a atterri en pleine brousse où il n’y a pas de piste d’atterrissage. Seul la france et les personnes à bord savent ce qui les a motivés à se poser près de la frontière du Burkina Faso. À noter aussi qu’il y a un contingent de troupes françaises au Nord de la Côte d’Ivoire, non loin de la frontière burkinabè, en permanence » poursuit le texte. En guise de conclusion, l’activiste invite les internautes à rejoindre son « groupe Telegram, pour voir la vidéo ».

Capture d’écran Facebook effectuée le 6 janvier 2024

Sur la chaîne Telegram de Egountchi Behanzin, nous retrouvons effectivement une vidéo de 28 secondes visiblement filmée d’une voiture. On peut clairement voir un aéronef à hélices sur une piste. La voix sur la vidéo a effectivement un accent ivoirien et la structure des phrases fait référence à l’argot ivoirien. On retrouve des expressions comme « champion (gars) », « tchê (homme/garçon en dioula, une langue parlée dans le nord de la Côte d’Ivoire) », « tu es dans quoi ? (Que fais-tu ainsi ?) » La voix se livre à des spéculations sur le décollage de l’avion.

Le texte qui accompagne la vidéo sur Telegram est différent de celui sur Facebook. « Nous partageons avec vous la vidéo que nous avons à la LDNA de l’avion cargo C-130 des forces d’agression françaises. La question est la suivante : que fait la France en faisant atterrir des avions militaires dans la brousse non loin de la frontière avec le Burkina Faso ? » se demande Egountchi Behanzin. « Nous invitons nos abonnés à relayer cette vidéo partout. Que les autorités burkinabè renforcent la vigilance et la surveillance des frontières avec le Togo et la Côte d’Ivoire. Mieux vaut prévenir que guérir » conclut le texte.

Egountchi Behanzin évoque un mouvement d’aéronef militaire dans le nord de la Côte d’Ivoire tenu secret et repéré par satellite. Cet atterrissage, s’il était vraiment secret, ne semble plus l’être puisque les militaires français et ivoiriens indirectement indexés n’ont pu éloigner ceux qui filmaient la scène depuis une voiture. Une recherche par image inversée ne nous permet pas de retrouver l’intégralité de la vidéo sur internet. Cependant, plusieurs occurrences nous ramènent à un évènement : les exercices militaires TOURACO en Côte d’Ivoire.

Capture d’écran du site du ministère français des Armées effectuée le 6 janvier 2024

Ces deux articles (mars 2022, décembre 2022) nous donnent plus de détails sur cet exercice militaire. Les villes mentionnées lors de cet exercice sont très éloignées de la frontière avec le Burkina Faso. Il s’agit d’Assinie, Yamoussoukro, Bouaké, Gagnoa, Grand Bereby et Yamoussoukro.

Dans cet article publié sur le site du ministère des Armées français, on retrouve une photo de l’aéronef dont la vidéo est devenue virale sur Facebook. Il ne s’agit pas d’un « C-130 des forces d’agression françaises » mais plutôt d’un A400M venu de France pour les besoins de l’exercice.

Capture d’écran du site du ministère français des Armées effectuée le 6 janvier 2024

La présence militaire française en Afrique alimente une vague de désinformation. Elle s’est accentuée ces dernières années depuis que des régimes militaires dirigent certains pays de la sous-région (Niger). La Côte d’Ivoire qui maintient des liens diplomatiques, économiques et militaires avec la France fait l’objet d’attaque. Les panafricanistes du web considèrent la Côte d’Ivoire « comme un allié de l’impérialisme français » contrairement au Mali, au Niger et au Burkina Faso qui ont demandé le départ des forces françaises. Ils estiment également – sans pour autant en donner la preuve – que le nord de la Côte d’Ivoire est la base arrière des groupes armés qui attaquent le Mali et le Burkina Faso avec le soutien de la France et de la Côte d’Ivoire.

Si les influenceurs et autres analystes panafricanistes ont décidé de jeter leur dévolu sur le nord de la Côte d’Ivoire c’est bien parce que cette zone est exposée à l’extrémisme violent. D’ailleurs, deux attaques djihadistes ont été signalées à Kafolo dans le nord de la Côte d’Ivoire. Plusieurs indicateurs montrent que le nord de la Côte d’Ivoire est une zone qui mérite une attention particulière face à l’avancée de l’extrémisme violent. Le vol de bétail, l’orpaillage clandestin, le trafic de carburant, les braquages et les opérations des ‘coupeurs de route’ sont autant d’activités illégales qui peuvent être perpétrées, encouragées ou financées par des groupes d’extrémisme violents.

Principaux signes avant-coureurs de l’extrémisme violent (source R4P-Equal Access International)

SK, D. Anderson & T. Bakary

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